du 09/06/2011 au 07/08/2011
Le Plateau / FRAC Île-de-France,
Paris
Alighiero Boetti / Ann Veronica Janssens / Anna Maria Maiolino / Bas Jan Ader / Ceal Floyer / Éric Baudelaire / Jiří Kovanda / Le Plateau / FRAC Île-de-France / Man Ray / Marcel Duchamp / Ryan Gander / Stephen Prina
Stimulant point de départ que celui choisi par Guillaume Désanges pour clore sa série d’expositions curatées au sein du Plateau : Nul si découvert veut en effet s’attacher aux formes et matériaux qui disparaissent ou cessent d’exister s’ils sont mis au jour ou révélés à l’air libre. La part de mystère qui accompagne ces expériences se trouve ainsi scrupuleusement illustrée par Julien Loustau lorsqu’il projette la photographie d’un pilier d’une église éthiopienne sur lequel le passé et l’avenir du monde seraient gravés, et effacés à jamais si l’étoffe qui le recouvre était soulevée. De même, le film Roma de Federico Fellini retrace la disparition des fresques antiques lorsque les travaux du métro ont laissé pénétrer l’air extérieur dans les sous-sols sur lesquels elles étaient peintes.
Moins littéraux, d’autres plasticiens ont été sélectionnés par le commissaire car leurs œuvres avaient trait, de manière plus large, à ce qui est caché ou invisible. Éric Baudelaire a, par exemple, écrit aux Premiers ministres britanniques pour leur demander confirmation de l’existence de lettres adressées aux capitaines des sous-marins nucléaires anglais en cas d’attaque contre leur pays, Alighiero Boetti griffonne du papier marouflé au stylo bille en ne laissant que de grosses virgules en blanc, Ryan Gander crée une sculpture en forme de pilier de béton renfermant divers projets et documents et Rémy Zaugg écrit en lettres blanches sur fond blanc Quand fondra la neige où ira le blanc.
En outre, sans surprise, on retrouve quelques figures tutélaires : À bruit secret de Marcel Duchamp (cet objet composé de ficelle et plaques de laiton produisant un son inidentifié), L’Énigme d’Isidore Ducasse de Man Ray (cette forme recouverte d’une couverture de laine) ou une évocation des boîtes de Manzoni (ces fameux contenants recelant supposément les excréments de l’artistes) avec une photographie de Bernard Bazile, souvenir d’une performance au cours de laquelle l’une de ces boîtes avait été ouverte. Mais la levée du voile peut aussi conduire à s’apercevoir que les supports initiaux ont déjà disparus. C’est ce dont témoignent João Louro, avec sa série de faux photogrammes où seuls les sous-titres subsistent puisque l’image a été ôtée, comme Stephen Prina qui part de toiles de Manet pour réaliser des lithographies abstraites.
Pour pousser encore plus loin ces expériences, quelques artistes se mettent eux-mêmes en scène, à l’image de Bas Jan Ader avec son film I’m too sad to tell you dans lequel il pleure pendant trois minutes trente, Chris Burden qui relate sa tentative de disparition, le collectif Coop Himmelb(l)au qui s’enferme dans une bulle de plastique pour arpenter les rues de Bâle, Jiří Kovanda qui réalise une performance dont il ne peut être témoin ou Anna Maria Maiolino qui oscille dans ses vidéos et photos entre autodestruction et gros plans sur des parties du corps.
Enfin, dans une passionnante logique minimaliste (même si d’aucuns pourraient estimer qu’elle fait un peu « petit malin »), trois créateurs s’avèrent particulièrement pertinents : Ceal Floyer projette un rai de lumière blanche au ras d’une porte, de façon à ce que l’on croie à un ailleurs illuminé de l’autre côté de la séparation, Dora García réalise l’installation The Locked Room (une porte qui ne s’ouvre pas donne sur une pièce dont on ne saura rien) et Ann Veronica Janssens confectionne un cube aux faces en miroirs, sauf que leur faces réfléchissantes sont orientées vers l’intérieur, dans un superbe effet de démultiplication qui nous reste extérieur.
le 11/08/2011