(Sound of a Handshake / La Baleine)
01/06/2012
Electronique
Benoîtement, connaissant le tropisme de Morr Music et de son sous-label Sound of a Handshake pour les formations folk islandaises, on pensait, en appréhendant cet album de Kira Kira, tomber sur un nouveau joli petit disque, dans lequel voix féminine et guitare acoustique se mêleraient tout au long de morceaux délicats. Le redoublement du nom du projet nous confortait même dans cette direction, nous rappelant d’autres formations du même acabit (Taxi Taxi, par exemple). Pourtant, Kira Kira avait déjà été évoquée dans ces pages, à l’occasion d’un concert en 2003 et ce n’est point de folk dépouillé qu’il va être ici question mais d’instrumentaux nettement plus complexes, proches de la bande-son d’installations, performances ou créations de spectacles vivants (la pochette évoque clairement une danseuse en mouvement) ; au reste, c’était précisément une forme de performance que Kristin Björk Kristjansdottir avait donné au Centre Pompidou.
Dans cette perspective, l’Islandaise n’opère évidemment pas seule, conviant bon nombre d’invités à ses côtés, chargés d’opérer au violon (Pekka Kuusisto), aux percussions (Samuli Kosminen), à l’orgue (Borgar Magnason), à la trompette (Eirikur Orri Olafsson), à la guitare (Hilmar Jensson), à la clarinette (Heikki Nikula), au theremin (Jarmo Saari), aux chœurs (Antje Taiga Jandrig), à la guitare lapsteel (Petur Hallgrimsson) et aux machines électroniques (Ben Frost et Valgeir Sigurdsson, les têtes de pont du label Kitchen Motors, dirigé par la jeune femme). Fort heureusement, tout le monde ne joue pas en même temps et, à l’inverse, ce sont neuf pièces plutôt sobres qui sont livrées sur Feathermagnetik, travaillant avec précision et parcimonie la progression et l’agencement de tous ces éléments.
La forme de drone ainsi générée peut s’apparenter aussi bien à de l’ambient composite qu’à une sorte d’instrumental plus torturé (les apports rythmiques de Let It Go) ou plus sombre (les pulsations roulantes et les glitchs presqu’anxiogènes d’Hamar). Assurément, c’est vers cette dimension opaque et inquiétante que Kira Kira penche majoritairement, sollicitant ses comparses pour des interventions métalliques, des souffles rauques, des grincements et autres contributions évocatrices. Ne se limitant pas à la mise en place d’une atmosphère lourde, l’Islandaise fait également montre d’une belle ambition et bénéficie d’une production assez impeccable, au regard du nombre de personnes ayant participé à la conception d’un album qu’en bonne logique, elle conclut sur une note plus lumineuse, portée par la trompette d’Eirikur Orri Olafsson (Svanasöngur).
le 29/07/2012