Entrevues - Festival International du Film de Belfort 2021 - Reprise du Palmarès

Après une édition intégralement en ligne, les Entrevues de Belfort ont retrouvé leur schéma habituel pour 2021, ainsi que le chemin de la Cinémathèque Française pour la reprise parisienne de son palmarès. Dans une compétition de longs-métrages où huit films sur dix étaient des fictions, ce palmarès fut resserré et centré sur les documentaires puisque les deux films considérés furent salués d’un prix chacun, et qu’El Gran Movimiento (déjà salué par la critique à la Mostra de Venise) récolta les deux autres distinctions décernées aux films longs. Sans juger de la qualité des films en cause (nous n’en avons vu qu’un sur trois), cela pose l’éternelle question de la juxtaposition et de la comparaison entre documentaires et fictions, au sein d’une même sélection, le réel prenant toujours un peu le pas sur l’imaginaire, lorsque les jurys statuent.

Avant de voir le Grand Prix Janine Bazin, le moyen-métrage lauréat de la compétition internationale des films courts et moyens était diffusé. Suite d’images trouvées sur internet, montées de manière rapprochée, Perchés y ajoute des voix dessus pour s’attacher à un personnage qui fréquente un centre médico-psychologique, se situant au bord de la dépression. Interprétée par Guillaume Lillo lui-même, cette voix parvient à se caler sur ces bribes vidéos, remontées en post-production, principalement prises en caméra subjective et choisies pour illustrer le texte dit. Une impression de collage un peu plaqué, un peu forcé, naît alors, même si des séquences récurrentes comme celles d’un pare-brise battu par la pluie et vu de l’intérieur s’avèrent assez belles. Au-delà, une certaine complaisance point, aussi bien par rapport à la situation du personnage (toujours hors champ, par construction, puisqu’aucun plan tourné n’est utilisé par le réalisateur), dont on se lasse légèrement de son discours apathique, que dans la forme même de ce film français, assez content de son dispositif.

Premier long-métrage de Deng Wei, Fathers suit son grand-père, aveugle depuis ses trois ans et diseur de bonne aventure (« astrologue » écrivent les sous-titres français peu inspirés), prédisant l’avenir aux parents s’inquiétant du sort de leurs enfants ou de la réussite des mariages arrangés. En parallèle, l’autre protagoniste de ce documentaire chinois est le père du réalisateur, officiant dans l’immobilier, plutôt véreux (chantiers menés sans autorisation, ni protection des travailleurs, dont l’un décède d’ailleurs, petits propriétaires de maisons démarchés férocement, etc…). Les deux hommes ne sont pas dupes l’un de l’autre, et singulièrement l’ancien des manœuvres de son fils. Deng Wei les cotoie alternativement, le premier paraissant attendre la fin de sa vie pendant que le second espère que la fortune arrivera ; précisément, ce qui les relie est peut-être cette interrogation autour du destin auquel le premier croit tandis que le second veut le forcer. Au milieu, le réalisateur les filme comme des symboles de l’évolution du pays, mettant en tension croyances ancestrales et traditions perpétuées, d’une part, et capitalisme débridé, d’autre part. Sur toile de fond de la politique de l’enfant unique et autres propagandes diffusées à la radio dans les rues, le long-métrage trouve alors son véritable intérêt.

François Bousquet
le 15/12/2021