(Angelika Köhlermann / Chronowax)
15/03/2004
Electronique
Zeebee, drôle de nom qui fait plus penser au vol menaçant d’un insecte qu’à la voix mutine de cette artiste pas comme les autres, s’appropriant tous les styles avec une facilité déconcertante. Appropriation peut-être facilité alors que pendant près de trois ans, l’autrichienne utilisa internet pour se tisser un réseau de collaborateurs à travers la planète. Il en sortira près de 200 chansons avec lesquelles l’autrichienne ne savait que faire. Elle fait donc appel à Gerhard Potuznik qui vient l’aider à la sélection et à la production de cet album qui en 10 chansons et 37 minutes révèle une artiste complète.
Chemistry, le premier morceau nous marque tout de suite, un peu étrangement : mélange d’influence séduisant, mais ultra référencé puis si on se concentre sur la voix ou ses intonations, son phrasé, on pense tour à tour à Portishead ou à Bjork pour une sorte de trip-hop orchestral avec cordes et cuivres, puis une rythmique electronica syncopée en guise de break. Mais la voix de Zeebee change sans cesse s’adapte aux musiques comme un caméléon s’adapte à son environnement, et la musique passe également d’un style à un autre tout en gardant une certaine cohérence au niveau de l’instrumentation. Sur My Thing To Do, sa voix se fait mutine, on croirait entendre une enfant sur des mélodies orchestrées et des basses ronronnantes.
Puis d’autres références nous viendront avec le magnifique Truth. La musique change de style avec ici une boucle de guitare samplée, de jolies cassures rythmiques, un ensemble plus électronique, et une voix que l’on pourrait confondre avec celle d’Anneli Drecker, chanteuse de Bel Canto tant dans le timbre que dans les intonations qu’elle prend. On pensera encore à cette référence sur Visit You, ou à la rigueur à Alison Shaw des Cranes.
Pop électronique ou orchestrale donc, mais Zeebee flirte aussi avec le jazz sur Tender où l’on devine la danse des balais sur la batterie, quelques accords d’orgue, et des cordes lointaines. Atmosphère un peu étouffante, rythmique lourde, et une tristesse latente, amère. La deuxième moitié de l’album semble être un peu plus électronique et plus enlevée. On commence doucement avec Lost & Found, une sorte de cold wave au chant décalé, puis on décolle avec Open Up Your Eyes et Race. Musique très électronique pour le premier à la rythmique sèche mais aux basses chaleureuses et travaillées, et c’est étrangement une guitare qui construit la mélodie. Avec Race Zeebee aborde le dub-electro, et l’adapte à sa sauce avec toujours la même réussite, un chant plus sobre, sans artifice mais aussi plus fragile.
A force de mettre de la pop un peu partout, il fallait bien qu’elle en finisse par composer une chanson plus proche du genre, et c’est chose faite sur Soul Collateral, avec guitare, batterie, et quelques accompagnements de cordes. Pour finir, orchestration minimale sur Pain & Pleasure ou Bjork semble faire du trip-hop.
Voilà, on a du citer tous les morceaux de cet album, car il n’y en a pas un qui soit en dessous, parce que chaque chanson est intéressante pour une raison ou pour une autre, et que l’ensemble est parfaitement construit et maîtrisé. Chemistry, c’est l’album d’electro-pop parfait qui révèle une voix hors norme.
le 27/05/2004