(Sensitive Records / Musicast)
28/05/2004
Rock
Un nouveau label franco-monégasque, et un premier album qui ne devrait normalement pas passer inaperçu, à moins que le fait d’être inclassable empêche de lui coller une étiquette, de le ranger dans des cases qui parlent à tout le monde. Pourtant, c’est justement le descriptif du groupe, qualifié de "Tindersticks sous acide" qui a retenu notre attention et qui s’avère être parfaitement trouvé.
Nick Grey n’est pas un nom encore très connu, mais certains ont peut-être déjà écouté ses productions en tant que membre de l’EMPI (Eglise du Mouvement Péristaltique Inversé) qui n’est pas une secte mais un groupe qui sortait son premier album chez Brume Records il y a un an et demi maintenant et qui déjà ne laissait personne indifférent.
On abandonne ici le style goth-dark-ambient pour une pop lyrique et intimiste, mais aussi parée de ses plus beaux atours, délirante et bariolée, grandiloquente parfois, étonnante souvent, touchante toujours. Inclassable, c’est bien le terme qui correspond le mieux à la musique de Nick Grey, superposant des bleeps électroniques, clarinettes, et vocalises du ténor Vasile Moldoveanu sur Thievesamongthorns, produisant une pop langoureuse alternant gravité et légèreté, chant et spoken words, pour un opéra rock baroque (Look Like Moses), finement aidé par de petits apports et traitements électroniques.
Pas hyper joyeux, l’album est sans cesse marqué par la voix de l’artiste, sombre, souvent empreinte de gravité (Song for Wyatt). L’ensemble de ces morceaux construit un univers particulier, complexe, fait de contradictions, comme cette impression de pop intimiste et cette musique orchestrale, parfois même grandiloquente (Obedient Fathers), et amusante puisque cet aspect passe plus pour de l’humour qu’un quelconque maniérisme. Un ton complètement décalé, imprévisible, usant et abusant de références, plaçant une mélodie de clarinette mélancolique sur de fins traitements électroniques, et une grosse guitare rock sur Intruders.
Et puis à plusieurs reprises, retour à la simplicité, piano et voix (The Zealot), hantés par quelques traitements électroniques ou accompagnements de voix fantomatiques (November Fadeline). Simplicité si l’on peut dire, mais aussi langueur parfois avec les cordes et sifflements du superbe Structure and Faith, ou encore sur l’ambiance nocturne de Hiding in Seaweed, avec la pianiste arménienne et soprano Jasmine Pinkerton pour une conclusion qui ravira les amateurs de Dead Can Dance.
On a souvent l’impression d’écouter le projet d’un producteur zélé, mais il faut bien reconnaître que Nick Grey est doué. Oser de tels mélanges est une chose, mais les faire fusionner ainsi pour créer cet opéra-rock haut en couleur tout en restant sensible était un pari qui au final est gagné.
le 01/08/2004