Tarentel

Troisième véritable album de Tarentel, We Move Through Weather marque également le retour des Californiens sur Temporary Residence après plusieurs disques sur d’autres labels. Alors que le morceau présent sur la compilation anniversaire de la structure états-unienne nous laissait penser que le trio se dirigerait à nouveau vers un post-rock épique « traditionnel », ce disque vient chambouler toutes les hypothèses et permet, une nouvelle fois, à Tarentel de surprendre son public.

Pourtant, pour qui les a vus en concert ces deux dernières années (depuis que Jim Redd de Sonna est arrivé à la batterie), ce nouvel album semblera assez familier. En effet, pour la première fois probablement, le Tarentel en studio a rejoint le Tarentel live : post-rock torturé paraissant largement improvisé, grande place faite aux ambiances et mélodies quelque peu délaissées. De fait, l’ensemble produit s’avère amplement influencé par les productions en solo de Jefre Cantu-Ledesma sous le pseudonyme de Colophon : utilisation de plusieurs instruments (clarinette, violon) pour créer une nappe et travail sur les sonorités de guitares.
Si la musique de Tarentel peut, par moments, paraître trop cérébrale, elle sait néanmoins ménager des espaces de mélancolie comme ces accords de piano dans Bump Past, Cut Up Through Windows, mais ce ne sont que de brefs instants de « répit » avant de replonger dans des atmosphères plus sombres et plus anxiogènes où des sonorités aiguës, limite stridentes, se posent sur des drones composites à l’inquiétante étrangeté (à l’image de la pochette, représentation d’une insondable étendue d’eau sur laquelle se dessine un reflet menaçant). De surcroît, l’itératif jeu de l’abrasive batterie de Jim Redd ne nous apporte aucun secours, ajoutant, à l’inverse, à cette impression de tourbillon tourmenté dans lequel la musique de Tarentel nous entraîne. Dès lors, notre « salut » ne semble pouvoir provenir que d’un arpège math-rock de six-cordes mais ce dernier ne fait que passer, nous laissant désespérément seuls face à cette musique rayonnant d’une « obscure clarté ».

We Move Through Weather se révèle ainsi être vraisemblablement le disque le moins facile d’accès du groupe (en tous cas nettement moins immédiatement appréciable que ceux d’autres formations de Temporary Residence) mais, en contrepartie, il témoigne d’une volonté constante de recherche du trio, inlassablement désireux de ne pas se cantonner au post-rock épique et d’un désir de laisser les clés à l’auditeur, ne voulant délibérément pas le tenir par la main, préférant que son imagination agisse. Si, souvent, on se délecte de disques où le plaisir est immédiat et où on se sent guidé, on ne peut qu’admettre qu’il est également très satisfaisant d’avoir à réaliser un véritable travail, voire de forcer sa nature pour pleinement pénétrer et apprécier un disque ; We Move Through Weather est définitivement un album de cet acabit.

François Bousquet
le 19/11/2004