Lackluster

S’il arrive souvent que l’on parle, en ces pages, de disques de remixes où un artiste voit ses morceaux retravaillés par d’autres, il est moins fréquent que l’on soit amené à évoquer un album où sont compilés les remixes qu’un artiste a pu faire d’autres. Remixselection_one vient donc à point nommé pour pallier ce manque et nous permet, dans le même temps, de faire le point sur la (déjà brillante) carrière de Lackluster (qui sort par ailleurs de très bons disques sous son propre nom : Esa Ruoho).

Sur les douze morceaux repris sur ce disque, on ne connaissait que deux titres originaux : celui qui débute et celui qui clôt l’album. Débutons par le premier où le Finlandais remixe Too Few Arguments du duo barcelonais Eedl, auteur d’un intéressant 12" sorti sur spa.RK il y a un an et demi (sur lequel on trouvait d’ailleurs le titre original ainsi que le remix de Lackluster) : épurant un peu les nombreuses rythmiques torturées du morceau initial, le musicien se concentre sur les mélodies en superposant les différentes séquences chromatiques pour un excellent résultat. Tout aussi réussi est le remix de Latatoo du duo russe Sleepy Town Manufacture (titre initialement présent sur la troisième compilation Neo Ouija) qui, d’un morceau purement ambient, fait un titre aux pulsations enlevées et captivantes, mais en conservant toute la beauté d’origine.
A côté de ces deux titres, Multiplex se voit l’honneur d’être remixé deux fois avec le même morceau (celui-là même que Lackluster reprenait sur Mixt, l’album de remixes des frères Dormon paru sur Senton Recordings) : le Lacklustermx4 de Rockrobot se fait un peu trop martelant là où le Lacklustermx2 œuvre par itération envoûtante.

Restent donc huit morceaux. Au début, on passe du peu intéressant (remix du Chase H.Q. de Lord Fader) à l’anecdotique (remix du Mithranix de Global Goon) avant que le niveau ne se redresse progressivement. Après cet amas de rythmiques et de machines, le Finlandais nous livre une plage humaine avec son travail sur Rely de Korpi Ensemble : si le côté soupe électro-pop n’est jamais loin avec cette voix féminine mi-aguicheuse, mi-new-soul, les micro-breaks qu’instille Lackluster au milieu des mots viennent, à point, enrailler la belle mécanique. Pleinement convaincant est, en revanche, le remix du Standard.Naming.Convention de Proem : mélange de sonorités dub et de tonalités quasi-aquatiques, ralentissement de la rythmique et insertion d’apports micro-électroniques. Encore plus calme et encore plus enthousiasmant, le remix de Dot Your Eyes de Max Waters présente une electronica-ambient mâtinée de sourdes pulsations dub tandis que le travail sur Dreams with the Fishes de Mantra joue sur les contraires : à la fois inquiétant (voix lointaine et caverneuse, rythmiques étranges) et rassurant (nappe chaleureuse, mélodie onirique). Reprenant Sitting Pretty de l’Irlandais Manta opte pour une cadence enlevée qui vient secouer une electronica mélodique classique (nappe et mélodie assez typique) mais de bon aloi. Enfin, le remix du Nighthiker d’ENV(itre) n’apporte pas grand-chose mais n’est pas désagréable non plus.

François Bousquet
le 02/12/2004