The Chopstick Sisters

Avec cette sixième référence, le label 3Patttes s’ouvre à un style complètement différent de ses précédentes productions, mais aussi à un genre bien particulier, que l’on qualifiera simplement de chant a cappella expérimental.

Les Chopstick Sisters est en fait un trio composé de Nadine, Anna et Alain, et les deux femmes ne sont pas soeurs. Elles se sont rencontrées en 1990 dans un festival en Allemagne où elles jouaient toutes les deux. Nadine et Alain se produisaient avec leur projet Bene Gesserit qui participait il y a quelques temps à la compilation Anatomy of a Maniac du label 3Patttes. De cette amitié et d’une admiration réciproque, est né ce projet.
L’une bouge, l’autre pas... (un titre qui décrit fidèlement la prestation scénique des deux femmes) est composé de dix morceaux pour un total d’une vingtaine de minutes puisqu’il s’agit une nouvelle fois d’un CD-R 3". Des petites pièces donc, mais extrêmement riches, les deux femmes explorant tous les sons qu’il est possible de produire avec sa voix, ou même sa bouche d’une façon générale. Un inventaire serait assez abstrait, mais donnerait une idée de l’étendue de leur travail : claquements de langue, chuintements, gargarismes, rires, miaulements, piaillements, murmures, soupirs, et d’une façon plus classique, chant, vocalises, choeurs, parlé.

Mais tout ceci est joliment organisé, avec les voix des deux femmes parfaitement complémentaires. Anna produit les sonorités les plus musicales, dont des choeurs qui ne devraient pas laisser indifférents les amateurs de Dead Can Dance, tandis que Nadine se charge de la partie la plus humoristique, les petits bruitages et autres minauderies. Il ne faut pas oublier Alain qui règle tout ça de main de maître, jouant sur des effets, des boucles, pour mettre en valeur ces voix et construire de petites ritournelles expérimentales et poétiques.
On pense parfois au travail de Maja Ratkje que l’on découvrait il y a quelques semaines aux Voûtes, dans les passages les plus abstraits, mais il y a ici plus d’émotion, et une expérimentation qui n’est jamais gratuite. Sur les derniers morceaux, quelques sonorités non vocales font leur apparition, puisque les deux femmes se produisent avec des jouets et autres objets détournés. De plus, l’utilisation plus fréquente de boucles tend parfois à produire une musique plus tribale et fort plaisante.

Une bien belle surprise de la part du label 3Patttes avec ici certainement leur production la plus aboutie.

Fabrice ALLARD
le 13/03/2005