(Kohvirecords / Meridians)
15/02/2004
Electronique
Pastacas est le projet de Ramo Teber, estonien, vivant aujourd’hui en Finlande, qui sort ici son deuxième album si on omet un split avec Barbariz, un voisin de label. Découvrant cet artiste avec cet album, on ne s’aventurera pas dans de périlleuses comparaisons, et on se contentera de décrire ce disque hors normes.
Parfois comparé à Squarepusher, on sera finalement très surpris en découvrant les premiers morceaux de Pastacas, avec deux titres aux croisements de la pop et du jazz, l’électronique étant au service de rythmiques complexes mais très discrètes. Les influences jazz qu’il tient vraisemblablement de son père sont ici très marquées, s’affranchissant des structures classiques, flirtant avec l’improvisation, fréquemment à la guitare mais parfois aussi au piano ou à l’orgue, tandis que son chant, tantôt doux, tantôt léger, s’essaye à l’abstraction en n’utilisant aucune langue particulière, mais plutôt une sorte de langage inventé par lui-même afin d’accompagner au mieux sa musique, choisissant les sonorités qu’il produit en fonction de leur accord avec ses compositions.
Mais Pastacas ne s’en tient pas là, et nous réserve bien des surprises. Au fil de l’album on apprend à le connaître, à apprécier son style, à retrouver des techniques qu’il met en oeuvre sur différents morceaux, sans pour autant donner l’impression de se répéter malgré les 16 pistes que contient ce disque. Outre quelques interludes instrumentaux, aussi bien solo de guitare que de piano, l’Estonien nous séduit avec cette langue étrange magnifiquement utilisée sur Bellamor aux consonances africaines sur une guitare en finger picking. Il y ajoute même quelques effets sur Kui Väljas On, lui conférant une richesse de timbre impressionnante, et petit à petit l’électronique semble prendre une importance nouvelle. Sur Sinupoole, le laptop a remplacé la guitare, mais ses mélodies de basses restent libres et accrocheuses pour une soyeuse électro-pop filtrée. Poussant le concept jusqu’au bout, il produit avec Viitkoori Kupong, un tube sautillant à faire pâlir les Daft Punk.
Il fait preuve d’un sens rythmique impressionnant sur Kurikad, utilisant les techniques de syncope, cassure, hachage sur des samples de batterie, formant un croisement entre son post-rock et technique electronica. Le dosage de ces rythmiques, toujours discrètes, jamais mises en avant, fait preuve d’une finesse et là encore d’une volonté de sonner plus jazz qu’électronique, même si la fin de l’album est un peu moins acoustique. En effet, Vurr se rapproche plus d’une drum’n bass sautillante et printanière, et Girikad est typiquement electronica, même si, comme pour brouiller les pistes, l’Estonien reprend la mélodie à la guitare sur le final.
Et puis pour finir l’album par une surprise, Tallinn Negatiivis, sublime pièce ambient, composée de sifflements lumineux, et d’effets donnant l’impression d’entendre cette musique sous l’eau.
D’une richesse éblouissante, sans concession, Pastacas impressionne par sa sensibilité, la finesse de son travail, une remise en cause de chaque instant. Tsaca Tsap est notre gros coup de coeur du moment.
le 03/04/2005