Blindfold

Décidément très porté sur l’Islande (après Stafrænn Håkon, Sk/um, Borko et Ölvis), Resonant, sur la lancée de l’excellent album de Port-Royal, nous propose à nouveau le premier long-format d’un artiste avec ce disque de Blindfold, alias Biggi Hilmarsson, par ailleurs chanteur du groupe Ampop.

Lente post-pop où émergent de profondes nappes de guitares, d’enveloppants accords de synthés, une batterie sourde et une voix embuée : la musique de Blindfold est assurément islandaise, à tel point que les trois premiers morceaux du disque pourraient passer pour des chutes de studio issues de sessions de certains groupes célèbres de Reykjavik (d’autant plus que Ólafur Josephsson, de Stafrænn Håkon, et Prince Valium, de Sk/um, participent au disque, respectivement à la guitare et aux synthés). Pourtant, la dimension « pop » de la musique de Blindfold lui permet de trouver assez rapidement son identité propre : chant en anglais, format des morceaux relativement court (moins de cinq minutes) et structure identifiable (avec couplet et refrain).

Plus encore, la forte présence d’éléments électroniques à partir du quatrième titre favorise la mise en place d’une personnalité musicale spécifique, sachant se faire à la fois particulièrement émotive (la prenante mélodie d’Ofsi), plus onirique (Interval où bruisse au loin une rivière), torturée (Myrkfælni avec sa rythmique grésillante et tourmentée), aérienne (Don’t despair et ses guitares réverbérées). Toutefois, cette identité est surtout prégnante dans les morceaux instrumentaux ; en effet, à l’image de Sleepless Nights, I See You Through Me ou Okubörnin, les titres chantés donnent vraiment l’impression de ne rien apporter de novateur par rapport à ce que la scène post-rock islandaise a su nous offrir depuis une demi-douzaine d’années. On est alors au cœur de l’ambiguïté de cet album : par moments très intéressant, à d’autres non déplaisant mais terriblement influencé. Un disque dont on ressort donc mitigé mais qui ne fait néanmoins nullement tache dans la belle discographie de Resonant.

François Bousquet
le 01/08/2005