Library Tapes

Duo suédois (on connaît l’inclinaison de Resonant pour les artistes et formations « nordiques »), Library Tapes nous propose son premier album sur un label toujours avide de découvertes.

L’écoute du premier morceau nous laisse pourtant perplexe avec ce lent piano solo : serait-on en présence du énième disque de néo-classique sortant ces trois dernières années (d’autant que la pochette n’est pas sans rappeler celle de l’album de Max Richter ou du dernier Sylvain Chauveau) ? Mais, dès le deuxième titre (In A Safe Place... Somewhere Near Your Heart), nos craintes sont balayées avec l’adjonction d’une guitare électrique sombre et tendue qui emmène l’ensemble vers un résultat plus proche du drone ou d’un certain post-rock apaisé. De même, sont convoquées des nappes faites d’éléments électroniques afin d’apporter densité et profondeur aux arpèges de guitare acoustique joués en finger-picking (The Leaves Have Left Us) ou au lamento de piano (Broken Piano Pt. 1 où le clavier est sublimé par les craquements synthétiques).
Enregistré en seulement trois jours (d’hiver, cela va sans dire), Alone in the Bright Lights of a Shattered Life donne pourtant l’agréable impression d’être une œuvre mature, chaque instrument étant parfaitement en place, suffisamment présent sans occulter la participation des autres. L’union des guitares électriques jouant sur le fil du larsen et du piano permet ainsi à Cold Leaves For The Violent Ground de se faire à la fois lumineux et exalté, comme la distorsion des guitares du morceau-titre recouvre le clavier sans jamais le noyer. Si parfois les Suédois semblent lorgner un peu trop vers le label Constellation (le dialogue entre la mélodie de guitare et le piano répétitif de The Scratches On The Window In The Doors Of Each Cell), ils s’extirpent du piège en travaillant davantage la texture d’arrière-plan, y incorporant des matériaux granuleux.

À l’instar d’une autre très bonne sortie Resonant 2005, l’album de Port-Royal, ce premier long-format de Library Tapes, dans un genre nettement moins enflammé, a donc beau nous évoquer nombre d’autres groupes et ne proposer somme toute qu’une nouvelle variation sur un thème connu, il n’en demeure pas moins un disque, quoiqu’un peu court (sept pistes et trente-trois minutes), particulièrement convaincant.

François Bousquet
le 27/08/2005