Growing

Poursuivant leur rythme effréné d’un album par an (sans compter les deux maxis parus l’an dernier) et après les deux long-formats sortis sur Kranky et le live de l’année passé, les musiciens de Growing nous proposent un nouveau disque sur Troubleman Unlimited, structure qui les avait accueilli en septembre pour l’excellent EP His Return.

Enregistré à Montréal avec notamment l’aide de Dave Bryant (issu de la galaxie Constellation), Color Wheel change un petit peu la donne : si les nappes de guitares et slides de basse sont toujours présents, la musique du duo paraît évoluer dans des ambiances moins drone que par le passé. En effet, les six-cordes ne sont désormais plus présentes en permanence, laissant par moments la place à des crépitements, souffles, tapotements métalliques et autres éléments électroniques, constitutifs d’une texture pas véritablement convaincante mais pas non plus totalement inintéressante (la seconde moitié de Fancy Period). Plus loin, c’est un climat tout autre qui est proposé avec des notes à la saturation robotique mêlées à des sonorités presque sautillantes (Cumulusless). Peu habituel également, le titre de clôture (Green Pasture) débute dans une atmosphère classique (dialogue entre deux guitares, l’une en nappe, l’autre plus mélodique) avant que la saturation ne se fasse assourdissante, agissant par de surprenants traits brefs et soudains.

Pour autant, Kevin Doria et Joe Denardo sont encore sûrs de leurs fondamentaux et nous démontrent, avec Friendly Confines et Peace Offering (dans sa première moitié), qu’ils ont peu d’égal dans la capacité à émouvoir via un crescendo sonore étourdissant ou par un savant alliage entre nappes, guitare grattée et triturations sonores tremblotantes. Au milieu du disque, les seize minutes trente de Blue Angels se présentent comme typiques de la musique de Growing : installation progressive des nappes de guitare, léger bourdonnement conféré à l’une d’elles, travail sur la dimension inspiratrice de leurs productions. Cependant, on ne retrouve pas pleinement ici la magie des enregistrements passés du duo (ou des deux pièces mentionnées à l’instant) où, sur chaque morceau, ils parvenaient à nous épater par leur aptitude à transcender le genre ; l’évolution interne à ce long titre est peut-être trop contenue (même si le dernier tiers offre de savoureux passages) et cette longue durée ne leur sied probablement pas complètement.

À l’image de ce titre central, Color Wheel ne convainc donc pas entièrement, faute de maîtriser tout à fait ces "nouvelles directions" ici empruntées. Toutefois, ce quatrième album ne déparera nullement, dans une discothèque, aux côtés des sorties précédentes du duo.

François Bousquet
le 20/04/2006