RF

Pour son troisième album, Ryan Fransesconi, après deux premiers long-formats aux sorties plus confidentielles, élit domicile chez le label japonais Plop, choix particulièrement judicieux à l’écoute de la post-pop délicate et raffinée du californien.

Combinaison d’une guitare acoustique à peine traitée, de fragiles rythmiques électroniques, d’incursions d’autres éléments samplés (cuivres, cordes) et d’un chant assuré tantôt par l’Étatsunien, tantôt par une voix féminine, la musique de RF touche par sa grande sensibilité et sa capacité à émouvoir sans jamais tomber dans des effets tire-larmes. De même, il convient de saluer ici la dimension évocatrice d’un disque propre à titiller l’imaginaire de l’auditeur sans jamais véritablement en donner l’impression (pas d’enveloppantes plages de synthé ni de vocalises extatiques, ces recours habituellement employés, juste quelques bruits d’eau dans A Vacant House is Born). Hautement louable, cette forme d’humilité trouve son écho dans la tonalité légèrement lo-fi apportée aux différentes sonorités utilisées par le natif de San Fransisco (instruments filtrés, piano parfois un peu bancal, chant pas forcément très assuré).

Toutefois, on regrettera l’absence de titres purement instrumentaux (seul Of Detachment faisant exception en la matière) ; non que le chant ou les dialogues samplés (en anglais et japonais) "gênent" la musique, mais cela aurait permis de rompre plus fréquemment l’enchaînement bien régulier de ces douze titres et de cette grosse heure que comptent Views of Distant Towns. Confirmant l’orientation plus "pop" de cet album par rapport à ces devanciers, ce choix du "tout chanté" éloigne RF du strict champ de l’electronica pour lui faire aborder des rivages certes plus accessibles mais qui ne cèdent en rien quant à l’exigence artistique (même si quelques facilités sont à déplorer ici ou là : une rythmique faiblarde, une construction de morceau prévisible, de faciles babillages d’enfants).

Views of Distant Towns se révèle donc, malgré nos petites réserves et une durée peut-être un peu trop longue, être un disque intéressant, à même de satisfaire aussi bien ceux qui connaissaient déjà RF que ceux qui le découvrent avec cet album.

François Bousquet
le 28/04/2006