(Suspicious Records / Import)
30/04/2006
Electronique
Il y a tout juste un an, on parlait de Leaf, dont le premier album inaugurait la structure Suspicious Records, division du label américain Hive Records. Il s’agissait alors d’un hip-hop hybride que l’on comparait à Sixtoo, DJ Shadow ou Third Eye Foundation. Un an après, voici la deuxième sortie de Suspicious, et une fois encore, une grosse surprise, pas vraiment en terme de nouveauté musicale mais en tant que maîtrise du sujet.
Saltillo est le projet de Menton J. Matthews III, nom étrange qui sévit en parallèle au sein de Sunday Munich avec son épouse que l’on retrouve à quelques reprises au chant. On a déjà situé Suspicious, et plaçons-y maintenant cet artiste qui se produit ici aux violon, violoncelle, viole de gambe, banjo, piano, guitare, basse, percussion. Multi-instrumentiste de talent, Saltillo mêle avec aisance une acoustique classique à des rythmiques lourdes, étouffantes, avec des influences hip-hop marquées, s’embarquant vers le breakbeat quand les machines s’emportent ou vers un trip-hop malade sur les titres au tempo plus posé. Si le genre musical est différent, on ne peut toutefois s’empêcher de penser au Rossz Csillag Alatt Született de Venetian Snares, la finesse des rythmiques électroniques de ce dernier se voyant ici remplacée par la lourdeur de la batterie.
L’entrée en matière est bluffante avec A Necessary End, certes emprunt d’une tristesse infinie avec ses cordes tire-larmes, sa mélodie nous rappelant la BO de Requiem for a Dream, son piano discret, les vocalises de Sarah Matthews et l’envolée de breakbeats, l’accélération du jeu de violon qui pourra faire penser Hangedup, ici ou un peu plus loin sur The Opening. On retrouve la superbe voix de Sarah Matthews au chant ample sur Giving In, un peu plus proche de ce qui est communément appelé trip-hop (rythmique downtempo, scratchs, tristesse ambiante ou cri désespéré dans la voix), puis sur un I’m On The Wrong Side plus anodin, au ton plus rock de part l’omniprésence de guitares.
Autre morceau chanté, A Simple Test voit au chant un certain Michael Holcomb, mais la voix est toujours aussi poignante, et la musique faite de cordes frappées au son proche d’une harpe et de breakbeats sauvages est d’une beauté violente. Quand il n’y a pas de chanteurs attitrés, des samples viennent à la rescousse, mais sans jamais apparaître comme une bouée de sauvetage. Les dialogues de A Hair on The Head of John The Baptist renforcent l’aspect habité de cette musique, on a ici l’impression d’entendre un extrait de chants d’esclaves, Grafting, aux violons désespérés, est parsemé de chant du Moyen-Orient, et Praise mêle violons quasi-tziganes, saxophone jazzy, et chants religieux.
Ganglion, c’est plein de choses à la fois, au profit d’un même propos. Que ce soit au banjo et batterie (Remember Me ?) ou sur une electronica mélodique et pointilliste (Backyard Pond), Saltillo fait preuve d’une incroyable maîtrise de sa production. Soigné, efficace, Ganglion devrait faire se rejoindre les fans de hip-hop à la Anticon et les romantiques fans d’indus. Rappelons que la maison mère Hive Records est justement orienté musiques industrielles.
le 23/07/2006