(Hive Records / Import)
30/04/2006
Electronique
Après Suspicious Records, voici notre première chronique d’un album de la maison mère Hive Records. Pour mémoire, Hive est orienté electronica, tendance dark et indus, tandis que Suspicious s’intéresse aux "grooves urbains", donc plus influencé par le hip-hop au sens large. La frontière entre les deux labels nous paraît encore assez ténue.
Photophob est le projet de l’Autrichien Herwig Holzmann, co-fondateur du netlabel Laridae sur lequel il a naturellement essemé quelques sorties. Très actif, auteur de nombreuses autres sorties MP3 (TonAtom, Camomille Music), il s’agit là de son deuxième album chez Hive Records.
Sur le site de l’artiste, on peut lire qu’il n’a aucune autre prétention que de faire la musique qu’il aime écouter. Il ne veut pas révolutionner un genre en particulier, et l’écoute de cet album ne laisse entrevoir en effet aucune révolution. Cela dit, ce que cet artiste fait est particulièrement bien fait, avec pour dominante une electronica mélodique particulièrement riche d’un point de vue sonore, alliant des sonorités très diverses, proposant des titres amples lorgnant vers l’ambient et d’autres plus denses aux rythmiques parfois proche d’un breakcore avec une utilisation parfaite des percussions acoustiques. Ajoutons à cela une mélancolie latente, quelques voix perdues ou spoken word évocateurs et on aura dressé un portrait assez complet de cet album.
L’entrée en matière nous laisse immédiatement entrevoir un grand disque d’electronica avec All of Them ?. Des nappes nasillardes mais douces, touchantes, et un déluge de frétillements rythmiques, sans pour autant atteindre la frénésie d’un breakcore. Mieux encore, plus fin avec son intro composée de gouttes d’eau, Bad Habits No.1 to No.7 révèle cette richesse sonore que l’on évoquait plus haut. Le son est dense et profond, une voix féminine apporte une petite dose d’humanité, et les mini-scratchs sur les voix sont plus là pour la sonorité produite que pour des allusions hip-hop. On retiendra également What Went Wrong pour illustrer ce côté ample : dosage des nappes particulièrement juste, superbes envolées d’arpèges mélodiques limpides et une rythmique très lourde pour mieux marquer le contraste. Autre grosse réussite, Huge Storm Coming, tient son originalité dans cette intro acoustique qui donne vraiment l’impression d’être composée "à la main". La machine s’efface, ce son se transforme comme par magie en une mélodie de tintements, les basses et la rythmique sont encore une fois très marquées, on se trouve quelque part entre douceur et dureté, dureté qui prend tout son sens quand tous les éléments rythmiques deviennent crades, saturés, noisy. Un titre d’une violente beauté.
Pour autant cet album n’est pas parfait. L’auteur semble en effet très à l’aise dans ces constructions riches, mais quelques titres moins denses laissent apparaître un clavier un peu trop gras, pas assez travaillé (Still Warm). Ailleurs c’est la construction complète d’un morceau qui laisse à désirer, comme Last Judgement Show Ticket et son alternance binaire de break ambient à base de nappes et ses reprises rythmiques.
Mais en définitive le bilan reste très positif. Les réussites sont indéniables et nombreuses, effaçant les quelques faiblesses, le disque change régulièrement de tempo avec quelques très beaux titres ambient ou interludes arythmiques (The Games that the Mind Can Play, Fairy Fails, All of Them), et révèle des surprises de bout en bout, comme l’utilisation réussie de sonorités acoustiques (piano, cordes pincées ou frappées). Si Herwig Holzmann ne révolutionne pas l’electronica, il en donne ici une vision toute personnelle, ce qui n’est déjà pas si mal !!
le 29/07/2006