Pretty Boy Crossover

Il semblerait que le label C0C0S0L1DC1T1 n’ait par fini de nous surprendre. Alors que l’on commençait à s’habituer à cette attitude rigoriste, à ces projets conceptuels, toujours intéressants et aux résultats souvent étonnants (on se souviendra notamment de Scalene, Parapulse Tuck et surtout -40 qui consistait pour les artistes à travailler à partir de films de propagande des années 40 sélectionnés parmi les archives de l’Office National du Film du Canada), les responsables du label semblent ici se faire vraiment plaisir en signant ces deux australiens. Certes, encore une fois, C0C0S0L1DC1T1 se distingue en proposant le duo CD+DVD, mais la musique de Pretty Boy Crossover se révèle immédiate, séduisante, et touchante.

On pose l’album sur la platine, on écoute le premier titre, on s’apprête à prendre des notes en vue d’en faire une chronique, et puis finalement, on n’écrit rien. On se laisse happer par une boucle de nappe grésillante, une plage vocale lancinante sur le court The Harbour Breathes qui sert d’introduction en 1’17". On se dit alors qu’on va écouter le deuxième titre pour voir si cette courte intro est révélatrice du reste de l’album. A l’image du titre de l’album ("Nous dérivons tous" en français), on reste alors sur la thématique de la mer avec The Sea. Les notes grésillantes sont toujours là, mais des guitares apparaissent, glissantes, ainsi que des rythmiques qui crachotent. Le son est à la fois dense et ample, les mélodies sont mélancoliques à souhait, les grésillements donnent ce petit côté brut, à fleur de peau qui contraste magnifiquement avec la douceur des mélodies. On pose alors notre stylo, et on décide nous aussi de nous laisser partir à la dérive.
Le dossier de presse évoque un croisement entre Manual et Fennesz, et on ne trouvera pas meilleure qualification pour ce mélange d’electronica lancinante à base de guitares et de textures variées, générées par laptop. On se retrouve parfois dans des textures sombres et hypnotiques, puis porté par de magnifiques mélodies de guitare, pour finir par taper du pied et hocher la tête sur les rythmiques crachotantes du sublime I Dream Of You Invisible.
L’album défile, enchaînant des titres relativement courts pour le genre (14 titres en 50 minutes, dont deux interludes de 1’15" et un titre de 7mn), l’auditeur se perd en plein remous, mouvements incessants sur une mer agitée, là où Manual peut rapidement lasser.

Le DVD est par contre un peu décevant. Visuellement, le travail est plutôt intéressant, créant des cités improbables en mêlant images réelles, maquettes et images de synthèse. Mais on ne trouve ici que deux vidéos, Invisible Cities et Possible Utopias, d’une durée respective de 3’30" et 9’45", avec pour illustration sonore la musique de Pretty Boy Crossover. On appréciera en particulier Possible Utopias, basé sur des images d’archives de différentes villes en Angleterre, Sibérie, Roumanie, Etats-Unis mais ce DVD ne restera qu’un bonus à un magnifique album.

Rien de vraiment nouveau sur cet album, mais Pretty Boy Crossover nous offre ici l’album que Manual et Fennesz ne feront jamais. We Are All Drifting est à conseiller à tous les fans du Endless Summer de l’Autrichien.

Fabrice ALLARD
le 01/09/2006