(La P’tite Maison)
00/04/2006
Electronique
Depuis 7 ans déjà, une association strasbourgeoise, La P’tite Maison, mène une action singulière : faire connaître, mais aussi expliquer auprès du plus grand nombre ce que sont les musiques electro-acoustiques d’hier et d’aujourd’hui. C’est ainsi que ses salons d’écoute (les parenthèses), son site internet et son magazine (Mobil Ohm) tentent d’intéresser un public non averti à des cultures musicales différentes. Pour ne pas dire déviantes. Cette action, si elle est utopique, l’a néanmoins conduite à rassembler autour d’elle un bon nombre d’artistes appartenant à une scène strasbourgeoise mal connue (car peu soutenue) et pourtant proliférante. Une maison, prétendument petite, donc. Mais qui se révèle, à la parcourir, très spacieuse à l’intérieur.
Cependant, ce n’est pas tout de dire que la P’tite Maison est plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur ; qu’une multiplicité de pièces se présentent à vous dès que vous la pénétrez ; que le salon, les chambres, la cuisine ne sont pas des horizons bornés par des murs ; qu’une chambre dérobée, un cabinet secret ou un grenier merveilleux est encore à découvrir. Non. Il ne suffit pas de cantonner la P’tite Maison à la redécouverte du spectacle de l’intime.
Car l’association, désormais dotée de son propre label, vient aujourd’hui de sortir un disque, Les souffleurs de bruits, premier volume d’une collection regroupant une partie de ce que la scène expérimentale électro-acoustique strasbourgeoise compte comme créateurs.
Et ce disque révèle la capacité du collectif à se projeter hors de son petit domaine. Mieux, dans le cadre de la ville-monde, nos souffleurs de bruits se conçoivent comme les bâtisseurs d’un nouveau lotissement, un nouveau quartier. Un quartier où les bâtiments sont chargés d’un pouvoir évocateur, où l’architecture figure des émotions et des sentiments influant sur la psyché de ses habitants, un quartier utopique fait de cathédrales aventureuses, de châteaux de hasard, de jardins de tendresse. Un quartier comme la prémisse d’une ville recomposée selon un urbanisme dérivant.
Parce que le respect des anciens est une donnée sociale oubliée, le disque commence par un manifeste de Jérôme Pergolesi, fondateur de l’association : Nona mia. C’est dit : au centre de son nouveau quartier, la P’tite Maison installe une maison de retraite gardienne des mémoires enfouies. Un nouveau monde a toujours besoin de fondations. Pour les enfants et notamment Nino, Louise, Anne et Noé, un parc assorti d’une jolie Roseray, permettra les jeux les plus drôles, les cavalcades les plus folles. Ce n’est pas rien de dire que la course des enfants redéfinie chaque seconde un peu plus ce que nous découvrons du monde. Cette roseraie a donc été définie comme particulièrement protéiforme. Incalculable. Et puis parce que la mer est bien trop loin de Strasbourg, il a été décidé d’installer un port. Sirènes II enverra ainsi les signaux nécessaires pour que la mer se déplace jusqu’à nous. La politique n’est pas oubliée puisque ici l’agora se nomme Ciron. Lieu de l’improvisation du collectif au complet (The Flexilob Electrophonic Band), il met l’écoute au cœur de son programme pour la cité. Un programme en un mot donc : écoute. Mais porteur d’harmonie et donc réducteur de toutes Contradictions, de tout défaut possible de l’urbanisme. La prière enfin ne sera pas oubliée : une cathédrale en forme de désert sera installée au centre du nouveau quartier : nommée Gobi-Olo par ses habitants, elle a de fait déjà le pouvoir de refonder les religions passées et à venir et d’installer la dérive continue au cœur de la vie.
En 1953, Ivan Chtcheglov, auteur d’un Formulaire pour un urbanisme nouveau hurlait au passant : « chacun habitera sa « cathédrale » personnelle. Il y aura des pièces qui feront rêver mieux que des drogues, et des maisons où l’on ne pourra qu’aimer ».
Le passant, aujourd’hui, est mis devant le fait accompli.
Bonne écoute.
le 07/10/2006