(Karate Joe / Import)
04/06/2003
Rock

Lars Stigler, membre de Mimi Secue et Contour (dont on parlera prochainement) sort ici son troisième album solo, et son premier chez Karate Joe qui héberge les deux autres projets. Sous son propre nom, cet artiste autrichien dessine des paysages désolés sous forme de post-rock aérien.
Multi-instrumentiste, Lars Stigler donne la part belle aux guitares dont il tire de superbes mélodies de notes éclatantes et cristallines, comme des tintements que l’on fini par confondre avec ceux du vibraphone. De longues pièces (entre 7 et 10 minutes) qui laissent l’auditeur en apesanteur au milieu d’étoiles qui semblent s’éclairer à chaque fois qu’une note se fait entendre. Graves, aiguës, pincées, frottées, chacune est indépendante, possède sa propre couleur sur Les apparences ne sont pas trompeuses ! sur lequel le ton s’affirme, un drone ronronnant monte doucement avant de s’éteindre.
L’auteur n’hésite pas à mêler les instruments en commençant par une rythmique légère dont les percussions ne sont que frôlées sur le premier titre à l’ambiance très jazz avec vibraphone et piano électrique, mais la réussite est encore plus magique par la suite, que ce soit avec le planant Flügelschlaf dont les nappes d’e-bow se cassent en changeant de tonalité, un peu à la manière d’une voix, sur fond de guitare rythmique. L’ambiance est calme, semble apaisée, comme cette rue déserte qui illustre l’intérieur de la pochette, mais régulièrement une note part dans une direction inattendue, les changements de rythme surprennent, faisant de Mon rideau noir s’ouvre un autre chef d’oeuvre.
De longues plages désertes, des étendues envahies par une brume basse également dessinée avec des guitares jouées à l’aide d’un e-bow, créent un matelas de nappes à la fois graves, feutrées et glacées, et d’autres plus claires, stridentes et déchirantes sur le sublime Embracing Dead Stars dont les notes deviennent magnifiquement granuleuses quand les guitares saturent ou sur le nom moins inquiétant The End is Important in all Things qui met plus de 10 minutes à clôturer l’album.
Parfois la musique de Lars Stigler est un peu moins planante, et La Tortue Chatoyante est alors une succession de couches mélodiques, croisement et ajout successif de boucles de guitares et vibraphone jusqu’à ce que le ton monte et que les guitares deviennent plus électriques, plus grinçantes.
Par deux fois, Stigler opte pour le format court (environ 3 minutes) et change complètement de style en se rapprochant de Steve Reich. Rompant la monotonie qui pourrait s’installer, sur une base de piano ou guitare répétitive, il tisse des mélodies abstraites de vibraphone et d’orgue sur un tempo très soutenu.
Ce rideau noir est une réussite à de multiples niveaux. De part la finesse de ses compositions, de l’ambiance qu’il dégage, cet album de post-rock éthéré devrait ravir les amateurs de Labradford et Windy & Carl.
le 28/08/2003