Absinthe (Provisoire)

Absinthe (Provisoire) est un groupe montpelliérain dont nous n’avions pour l’instant jamais entendu parler, mais nul doute qu’il soient déjà connus dans leur région, ne serait-ce que pour avoir fait la première partie de Godspeed You ! Black Emperor dont il sera difficile de ne pas les comparer. C’est en effet dans cette même veine post-rock que sévit le groupe, avec bien sûr leur petite touche personnelle.

Le premier morceau de 24 minutes présente assez bien les choses : quasi silence pendant plus d’une minute, lente mélodie et accompagnement de guitares, rythmique lente, régulière. Imprévisible, ou cherchant à l’être, le groupe place alors un passage très expérimental, abstrait, avec cliquetis de guitare, nappe inquiétante, avant de revenir à une construction plus classique, un mélange harmonieux de batterie et guitares, celles-ci se faisant plus fluides, annonçant une première montée typique du genre. Mais ce n’est qu’une fausse alerte. Retour au calme, aux arrangements de plus en plus soignés, aux mélodies de plus en plus accrocheuses entrecoupées de brèves séquences pleines de rage, bruitistes. La musique d’Absinthe (Provisoire) est ainsi, fragmentée, fracturée, faite de contrastes, d’alternances entre composition et improvisation dans une quête de perpétuel renouvellement. Quand les guitares se font répétitives, on sent venir une nouvelle montée avec explosions successives de batterie et guitares, toujours joliment mélodiques.
La suite pourrait faire partie d’un autre morceau : retour au calme pour un long passage ambient-expérimental où grincements de cymbales flirtent avec un piano discret et le ronronnement des guitares. Chaque instrument reprend alors ses droits pour une dernière séquence mélodique, accompagnée de son inévitable montée, moins mélodique et plus rock pour finir ce premier morceau.

On a alors à peu près fait le tour des possibilités du groupe, dévoilant ainsi leurs goûts et leurs influences. Un sens mélodique maîtrisé, se gardant bien d’y faire appel trop souvent, une large place accordée à l’improvisation, celle-ci faisant l’objet d’exercices réguliers en accompagnant en live des courts-métrages expérimentaux. Le groupe assume enfin parfaitement ses influences rock vers lesquelles l’improvisation le ramène naturellement avec parfois des passages bruitistes comme sur les trois dernières minutes de Do Bémol en Si Majeur. Enfin le calme après la tempête, calme que le groupe utilise pour expérimenter encore et mieux mettre en avant les montées rock qui savent toutefois rester mélodiques.

Un nouveau groupe post-rock français qui avec ce premier album fait preuve, malgré sa jeunesse, d’une excellente maîtrise de ses compositions. Rien de très nouveau là-dedans, mais Absinthe (Provisoire) possède un son et une approche de la musique bien personnels qui ne manqueront pas de s’affirmer au fil du temps.

Fabrice ALLARD
le 26/12/2003