LFO

Le troisième album de LFO était un des événements de la rentrée 2003, tant les sorties du projet de Mark Bell se font rares. Inutile de rappeler à quel point l’album Frequencies, une des premières sorties de Warp en 1991, constitue une pierre d’angle qui a contribué à forger le son électronique d’aujourd’hui et reste cité comme une influence majeure par un grand nombre de musiciens. Le deuxième opus, Advance, que l’on a peut-être tendance à légèrement sous-estimer tant sa richesse est certaine, a accentué l’aura dont bénéficie LFO depuis 12 ans.

Officiant aujourd’hui seul après le départ de son acolyte Gez Varley qui connaît une fortune moins heureuse, Mark Bell s’est largement ouvert à la pop en collaborant notamment avec Björk et Depeche Mode et en imprimant une touche bien personnelle aux productions qu’il a effectuées pour eux. Revenant à ses premières amours, il délivre aujourd’hui avec cet album une nouvelle pierre à un édifice qui impressionne par sa vigueur musicale et son inspiration en constant renouvellement.

A l’écoute de cet album, on ne peut qu’être impressionné par la pléthore de sons qu’il contient. Comme si Mark Bell avait emmagasiné, au cours de ces années où LFO était en veilleuse, une banque de sons impressionnante qu’il souhaitait enfin faire vivre en les délivrant tous d’un seul coup. C’est une arme à double tranchant, car si le matériau de base est incontestablement fort riche, il n’est pas toujours mis en valeur de la meilleure manière qui soit, les compositions elles-mêmes manquant parfois un peu de force ou de tenue.

L’album s’ouvre avec un de ses meilleurs morceaux, Blown, où sur une sourde pulsation rythmique viennent fourmiller une multitude de sons cristallins composant une mélodie à la fois lymphatique et entraînante du plus bel effet. Changement de ton avec le non moins réussi Mum-Man, au climat dur et très indus, avec toujours une galaxie incroyable de sonorités entremêlées. On retrouve deux morceaux plus loin, après un intermède plus apaisé, ce tempo rapide, presque frénétique, dans Snot dominé par les craquements et motifs électro.
Moistly renoue quant à lui avec les sonorités Warp typiques, ce que l’on appela autrefois "bleep music" ou "intelligent techno" - précisément à la suite de l’album Frequencies ainsi que des premiers travaux de Black Dog. On poursuit dans cette veine avec Unafraid to linger qui voit lui aussi se marier une basse sourde et une mélodie éthérée, avec un final de toute beauté où s’y ajoute une couche supplémentaire évoquant des cris de pingouin sur la banquise...
Après la respiration que constitue Sleepy Chicken, un grand moment arrive avec l’imparable single Freak, déjà largement diffusé et dont l’efficacité n’est plus à démontrer.
Mummy, I’ve had an accident... est un autre point d’orgue du disque avec sa ritournelle entêtante et progressive, son martèlement et ses grincements sombres. Les cordes font une apparition inattendue sur Nevertheless, au charme presque enfantin, avant l’épilogue délicat que représente Premacy.

C’est un grand bonheur de retrouver ici un Mark Bell fourmillant d’idées, à tel point qu’il ne parvient sans doute pas toujours à les canaliser d’une manière optimale. Cet album, au tempo globalement assez rapide, présente une tonalité nettement plus dure, percussive et électro que ses précédents travaux et se démarque en cela de la moyenne des sorties du label. Il offre un impressionnant étalage de sons et une vigueur permanente qui empêche toute lassitude, mais pèche sans doute un peu par son relatif manque d’émotions, de mélodies emballantes et de morceaux véritablement imparables.

Gilles Genicot
le 04/01/2004