(Post-Concrete / Metamkine)
15/11/2003
Electronique

China - The Sonic Avant-Garde est une double compilation offrant un panorama étonnant de productions de jeunes artistes chinois. Alors que l’on s’attendait à entendre quelques éléments propres à la culture traditionnelle chinoise, en particulier dans les mélodies, on se retrouve avec une compilation de musique électroacoustique particulièrement pointue et riche, abordant la plupart des genres musicaux auxquels on peut s’attendre dans la veine "avant-garde". Une quinzaine d’artistes sont ici présentés avec en général plusieurs morceaux permettant d’apprécier l’étendue de leurs recherches.
On rentre directement dans le vif du sujet avec la noise de Wang Changcun sur l’ironiquement intitulé Unhearable. On le retrouvera plus tard dans de tout autres styles : de l’electro-pop lo-fi comme on en trouve sur le label Angelika Köhlermann, en général un mélange de musique composée intégrée dans des enregistrements de sons ambiants comme quelqu’un qui se prépare à enregistrer un morceau, et un travail sur les boucles comme sur K1973 Poem où se superposent des samples de voix, ou le sublime Lunch Life sur lequel le bruit d’un train sert de rythme et de squelette à une enveloppe de choeurs cristallins et éthérés. On enchaînera avec ISMU qui partage un champ d’expérimentation tout aussi large, tout en parvenant à garder une certaine sensibilité. Un grincement de chaise mis en boucle sert de fil conducteur à une histoire qui semble se répéter, construite à partir de sons concrets et mélodie de piano. C’est fin, subtile. On se rapproche ensuite de Pan Sonic qui s’embarquerait dans des déviations noisy avec un Lunch Time Story aux sonorités brutes avec cris de foules au second plan avant de partir vers une electronica beaucoup plus facile d’accès mais gardant son originalité dans l’utilisation de sonorités concrètes. La grosse surprise de ce disque, c’est certainement Tunes By composé d’une boucle répétant "fuck you / fuck me" sur laquelle une réverb se fait de plus en plus riche. ISMU termine sa présentation avec K.L.P.L., titre ambient avec gargouillis aquatiques et sifflements ondulants.
Dans un registre plus expérimental on trouve Zhou Pei qui surprend avec ses sonorités tantôt difficiles, tantôt originales, passant d’un titre électroacoustique abstrait et sérieux à un autre plus ludique imitant le bruit d’un ressort grinçant (Eronz129). Egalement très expérimental mais plus électronique Fu Yü nous offre deux longs morceaux qui risquent de lasser : 7mn de rapides claquements et graves bouillonnements pour Fish Cooking 4, tandis que Fish Cooking 3 est une succession de sifflements, crachotements et crissements. On imagine que c’est de la petite friture que le chinois nous prépare... On notera enfin Xu Cheng à la composition particulièrement aérée, faisant passer ses expérimentations électroacoustiques pour de la musique ambient.
Entre chaque artiste, on trouve généralement un titre de groupes musicaux basés dans toute la Chine (Beijing Sound Unit, Shangai Sound unit, etc...) et travaillant sur des collages de bruits de foule, de rue, ou d’ambiance de fête populaire.
Le deuxième CD s’ouvre par Hu Mage qui s’amuse avec des samples de voix mis en boucles, superposés jusqu’à obtenir quelque chose d’extrêmement musical et d’étonnament très rythmé, l’ajout de rythmique dans un deuxième temps apportant une ambiance hip-hop. Sur un court deuxième titre il se fait maître des ondes radios avec un collage de samples de musique populaire chinoise. Jiang Yühui en deux titres glacés nous laisse un peu perplexe avec dans un premier temps une multitude de tintements suraigus, feutrés et métallique sur plus de 5 minutes, puis un étrange mélange de rythmique électronique particulièrement lente et d’une montée de souffle métallique. Une sorte de musique ambient assez sombre, comme une ruelle mal éclairée un jour de pluie. On préférera le travail rythmique de Zhong Minjie avec ses boucles généralement répétées 3-4 fois sur SXF003, ou ses textures de grésillements saturés sur lesquels se joignent crissement aigus, drones et souffles pour finir par des craquements plus calmes, plus distincts.
Pour terminer, on regrettera qu’il n’y ait pas plus de morceaux de Zhang Jüngang qui construit une superbe pièce ambiant semblant basée sur des résonances, tintements et sifflements.
Pas toujours facile d’écoute, cette double compilation remplit son rôle de défrichage, de découverte de nouveaux talents, d’une nouvelle génération d’expérimentateurs qui agissent hors des sentiers battus.
le 15/02/2004