Ambulance

Nous chroniquons ce disque plus d’un après sa sortie mais il nous semblait utile d’attirer l’attention, fût-ce tardivement, sur ce brillant opus délivré par le duo irlandais, déjà présent sur les deux récentes compilations du label Planet Mu chroniquées dans ces pages. Après 2 EP’s sur l’excellent label Front End Synthetics et une poignée de 7’’ sur la structure de Mike Paradinas (ce dernier les ayant découverts lors de deux concerts successifs donnés à Dublin, au cours desquels il reçut des démos qui emportèrent sa conviction), Ambulance signe un joli coup d’éclat avec cet album touffu et varié. Les rythmiques, certes classiques, sont extrêmement bien maîtrisées, le disque étant dominé par un climat clicks’n’cuts de fort belle facture, les sonorités métalliques mais chaleureuses et une variété de mélodies presque champêtres et mystérieuses, simples mais enthousiasmantes.

Les nombreuses pièces longues et amples qui composent ce disque sont entrecoupées de quelques interludes plus brefs conférant à l’album une belle cohésion, bien qu’étant composé de morceaux datant apparemment de différentes époques. Aux pièces plutôt nerveuses et enjouées, où les motifs trépidants rebondissent sur des rythmes fracturés dans une juxtaposition très plaisante (Tickle, Hymn), font contrepoint des mélopées mélancoliques joliment égrenées (Jettii et le splendide Kurant, long en bouche, qui se dépose dans l’oreille comme un grand cru sur le palais). Après Rodeo, excursion spéléologique tonique et sombre, vient Hymn, dont une version différente figurait sur la démo remise par le duo à Mike Paradinas en 1998 (déjà), et son foisonnement de sons sautillants suivi, en rupture dans sa deuxième partie, d’un développement plus saccadé lorgnant vers une rythmique hip-hop. Assurément un des temps forts du disque. Dans Antiques Roadshow, autre morceau ancien, le duo n’hésite pas à enrouler ses notes autour d’un tapis soutenu de trois accords et d’une litanie scandée en arrière-plan et semblant venir d’outre-tombe.

L’album est globalement plus calme et réflexif dans sa seconde moitié qui contient des plages contemplatives et cinématographiques proches de l’ambient (Liam Bugler, Teen Filler et ses élancements plaintifs et la magnifique glissade de The Tams au déjà mentionné Kurant, dans laquelle le duo fait montre d’une belle maturité émotive). Le morceau final, It’s Curtains for You, avec ses cliquetis réverbérés, maintient l’auditeur dans l’état d’apesanteur et le voyage mental dans lequel il s’est plongé tout au long des 16 plages et des 70 minutes de l’album.

Au petit jeu des filiations, il est permis de penser que ce disque très convaincant évoque la variété d’inspiration que l’on peut trouver chez Plaid, avec lequel il présente une filiation assez patente. Voici donc un autre diamant de la facette electronica racée de Planet Mu, outre les joyaux offerts par Mu-Ziq lui-même, après notamment l’excellent album de Lexaunculpt.

Gilles Genicot
le 12/10/2004