14/04/2002
Maison de Sons,
Paris
C’était il y a un peu plus de 5 ans, Pierre Henry créait l’événement en organisant une série de concerts chez lui, à domicile, dans sa maison des sons où il vit et compose. Il s’agissait alors de présenter Intérieur/Extérieur, une création présentée dans le cadre du festival d’Automne de la Ville de Paris qui donna lieu plus tard à une sortie sur disque. Pierre Henry renouvelle l’expérience ce soir, et pendant 15 jours, présentant sa nouvelle création : Dracula.
Selon le même principe qu’il y a 5 ans, les spectateurs se déplacent d’abord dans la maison, et visitent ce musée vivant où sont exposés nombre de tableaux réalisés par Pierre Henry, composés d’assemblages, collages d’objets divers, que ce soit des outils ou des objets ayant une signification musicale comme des cassettes audio démontées dont chaque élément est assemblé selon une nouvelle logique (à moins que ce ne soit sans aucune logique). Chaque pièce a sa propre ambiance, créée par son volume, son éclairage, son ameublement, son contenu. La bibliothèque très prisée est particulièrement chaleureuse, le bureau plus froid, tandis que le sous-sol est une véritable caverne d’Ali-Baba, et reflète sûrement très bien l’esprit et la musique du compositeur de sons.
Le concert nous surprendra un peu, mais malheureusement pas dans le bon sens. Cette oeuvre se révèle en effet beaucoup plus classique, plus abordable, et moins originale, moins inspirée que ce que l’on connaissait de Pierre Henry. Cette musique fortement inspirée de Wagner est très symphonique, orchestrale, a grand renfort de cordes qui il est vrai, font passer une certaine émotion, une angoisse, et l’on a rapidement l’impression d’écouter la bande originale d’un film fantastique. Mais bien sûr ce serait compter sans l’humour dont fait preuve le compositeur qui s’amuse à intégrer des bruitages sans rapport apparent avec sa musique tel que des animaux de la ferme. Le public souri, amusé par cette musique faussement sérieuse comme l’a toujours fait Pierre Henry, suscitant ainsi un intérêt auprès d’un relativement large public.
Mais l’intérêt de ce concert est aussi créé par les conditions d’écoute : dans chaque pièce sont disposées 8 enceintes qui diffusent des sons différents, reléguant au status d’antiquité tous les systèmes d’écoute estampillés home cinéma. Quelle surprise que d’écouter un morceau de musique perturbé par des interférences programmées par le compositeur, nous projetant ainsi au coeur de la musique. Des poules à notre droite, des moutons à notre gauche, un coup de tonnerre derrière nous. Pierre Henry compose du cinéma pour les oreilles.
Seul regret, un manque d’interaction entre les différentes pièces dans lesquelles se trouve le public et qui nous avait laissé admiratif il y a quelques années quand on entendait un son monter les escaliers et rentrer dans notre lieu d’écoute. Ce soir chaque pièce formait un petit auditorium indépendant, diminuant un peu l’intérêt d’un concert dans la maison des sons, même si l’on en gardera un excellent souvenir.
le 29/04/2002