Kara Walker : Mon Ennemi, Mon Frère, Mon Bourreau, Mon Amour

 date

du 20/06/2007 au 09/09/2007

 salle

Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris,
Paris

 appréciation
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Kara Walker / Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris

 liens

Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris

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Artiste majeure de la scène afro-américaine contemporaine, Kara Walker n’avait pas encore eu les honneurs d’une monographie en Europe. Reprenant une exposition déjà présentée à Minneapolis l’an passé (et avant qu’elle n’aille à New-York et Los Angeles), le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris accueille la jeune artiste à l’étage de l’ARC.

Puisant régulièrement dans la littérature états-unienne consacrée aux questions de l’esclavage et de la ségrégation (La Case de l’Oncle Tom, Autant en emporte le Vent), Kara Walker réalise des découpes de papier noir, collées à même le mur, dans lesquelles elle s’interroge sur la condition des noirs aux Etats-Unis. Laissant fort heureusement de côté tout manichéisme et politiquement correct, la New-Yorkaise opte pour une approche plus érotisée de l’esclavage, pas si éloignée de la dialectique, para-SM, du maître et de l’esclave. Lui valant quelques inimitiés dans la communauté noire américaine, cette dimension se retrouve dans un grand panorama comme Gone, an Historical Romance of a Civil War as it Occured Between the Dusky Things of One Young Negress and Here Heart où elle insiste sur les relations charnelles interraciales. Dès lors, ce travail la conduit à envisager les rapports homme-femme comme pendants du rapport maître-esclave dans lequel les seconds n’ont que la mort pour se libérer : Cut et sa femme noire qui prend une pose presque joyeuse pour se taillader les veines. Là encore, cette vision romantique du suicide comme ultime preuve de liberté a pu soulever plusieurs controverses.

Par ailleurs, les découpes réalisées par Kara Walker lui permettent, dans le même temps, de précisément contextualiser les scènes (Deep South, ségrégation, esclavagisme), tout en gagnant une certaine forme d’universalité (absence de traits du visage, problématiques quotidiennes, rapports hommes-femmes). Bien que clairement féministe et défenseure de la cause noire, la plasticienne ne tombe nullement dans l’angélisme et n’hésite pas, par exemple, à détourner les mythes du héros noir (The End of Uncle Tom and the Grand Allegorical Tableau of Eva In Heaven où l’Oncle Tom est féminisé, en train d’accoucher). Mais jamais elle ne perd de vue ses préoccupations premières : la liberté (Darkytown Rebellion), la domination de l’homme blanc (Excavated from the Black Heart of a Negress) ou le poids du fatum (Slavery ! Slavery ! Presenting a GRAND and LIFELIKE Panoramic Journey into Picturesque Southern Slavery or ’Life at ’Ol’ Virginny’s Hole’ (sketches from Plantation Life » See the Peculiar Institution as never before ! All cut from black paper by the able hand of Kara Elizabeth Walker, an Emancipated Negress and leader in her Cause).

Brillante dans ses découpes, wall-paintings, petits films d’animation et panoramas (à plat ou circulaires), l’États-unienne semble se faire plus lisse dans ses croquis, toiles et petites œuvres, comme si son propos ne pouvait véritablement se concevoir qu’à travers de grands formats. À ce titre, si la simple pose des découpes sur le mur est déjà suffisamment forte de sens, leur combinaison avec des projections colorées met en place un théâtre d’ombres qu’on sent à deux doigts de prendre vie (Darkytown Rebellion, Mistress Demanded a Swift and Dramatic Empathetic Reaction Which We Obliged Her). Ainsi transcendées, les intentions de Kara Walker parviennent à déborder le simple cadre de cette très belle exposition.

François Bousquet
le 02/09/2007

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