Gertrude (Le Cri)

 auteur

Howard Barker

 metteur en scène

Giorgio Barberio Corsetti

 date

du 08/01/2009 au 08/02/2009

 salle

Théâtre de l’Odéon,
Paris

 appréciation
 tags

Howard Barker / Théâtre de l’Odéon

 liens

Théâtre de l’Odéon

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Banalité que de dire qu’Hamlet est probablement l’une des pièces les plus importantes du répertoire dramatique. Cependant, on en mesure chaque saison la contemporaine portée alors que sont montés des textes plus ou moins directement issus de la tragédie shakespearienne : Le Jour des Meurtres dans l’Histoire d’Hamlet de Bernard-Marie Koltès la saison passée au Théâtre de la Bastille, Gertrude (Le Cri) en ce début 2009 à l’Odéon. Ouverture d’un cycle consacré à l’auteur anglais Howard Barker et montée par l’Italien Giorgio Barberio Corsetti, cette mise en scène nous permet de prendre langue avec un dramaturge dont nous découvrons pour l’occasion la langue directe et âpre.

Bien que le cri soit présent dans le titre et revienne régulièrement rythmer les soubresauts de la pièce, les corps jouent également un rôle particulièrement important ici. Dès l’incipit, qui résout les deux grandes questions soulevées par la pièce originelle (Gertrude a-t-elle été la maîtresse de Claudius avant la mort du roi ? Gertrude a-t-elle eu un rôle dans ce décès ?), corps dénudés, corps enlacés et corps supplicié se confondent en un trio dans lequel se mêlent Eros et Thanatos. Par la suite, Gertrude semblera tantôt jouer de son corps (comme moyen d’attirer à elle les faveurs des hommes ou comme ferment pour donner vie à une petite fille) et tantôt le rejeter (quand elle se grime en prostituée ou qu’elle l’expose aux regards extérieurs). Fort heureusement, Anne Alvaro ne verse pas dans un jeu physique et se situe à l’exact équilibre entre intériorisation et expressivité. Dans une autre tonalité mais opérant aussi avec habileté sur deux registres, Francine Bergé manie ironie et tragique dans le rôle de la reine-mère. À leurs côtés, outre Hamlet, Claudius, Ragusa et le duc de Mecklenburg, John Arnold interprète un très convaincant Cascan. Celui qui voit tout et qui commente tout, qui se fait tour à tour confident, bonne conscience et exécuteur des basses œuvres se place en digne héritier des valets du théâtre dixhuitièmiste tout en incarnant une incontestable figure de la modernité par un discours très vindicatif à l’égard de ses maîtres.

Alors que Gertrude et Claudius veulent faire le vide autour d’eux afin de pouvoir enfin vivre leur amour sans la culpabilité qu’Hamlet dont les autres personnages les accablent, et que les cadavres s’accumulent, le plateau se remplit au fur et à mesure. Après un décor limité à de savantes rotations de penderie dans les premiers actes (on retiendra par exemple une magnifique évocation d’un cimetière), un pan de décor est abattu et un jeu de miroir installé pour figurer la façade du château d’Elseneur dans le dernier acte. Donnant lieu à quelques mouvements entre danse et déplacements arachnéens, ce dispositif renvoie de surcroît les personnages à leur propre image. Seul moyen pour qu’ils se rendent enfin compte de la réalité de leurs actes, cette confrontation permet à la pièce de se clore par la victoire du plus discret, mais aussi du plus cynique des intervenants.

François Bousquet
le 10/03/2009

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