du 21/04/2006 au 29/04/2006
Visionario,
Udine
Ashima, de Liu Quiong (Chine 1964)
Ashima est la plus jolie fille de la vallée. Ahei est un jeune berger qui vit dans les alpages. Pour passer le temps, il joue de la flûte. C’est ce qui va faire craquer la belle Ashima. On l’aura compris, nous avons affaire à un film de style naïf. Pas de second degré ni d’intrigue alambiquée ici. Le noeud du scénario, c’est qu’un fils d’une famille riche et puissante tombe aussi amoureux de la riante Ashima, et l’enlève car elle repousse ses avances. Ahei, qui n’est pas la dernière des mauviettes, part la délivrer. C’est un archer hors pair, qui peut d’une seule flèche fendre une montagne en deux (et du même coup tracer la route qu’empruntera son cheval). On ne dévoilera pas l’issue de sa quête, mais le film se termine sur une scène de déluge avec des effets spéciaux impressionnants, à base de collages de pellicule que ne renierait pas le film le plus farouchement expérimental.
Cette comédie musicale est entièrement chantée, et les voix sont particulièrement criardes (cela vient peut-être de la conservation de la bobine ceci dit). Ceci, ajouté au scénario cucul la praline, fait qu’il est difficile d’être entièrement conquis. C’est pure hypothèse de notre part, mais on placerait bien ce film dans une vague régionaliste sensée rappeler aux nouveaux ouvriers urbains le pays de leur enfance. Néanmoins on est content de savoir que ça existe, cela permet d’étendre notre cartographie du patrimoine cinématographique mondial.
The Guy Who Started a Storm (Arashi o Yobu Otoko), d’Umetsugu Inoue (Japon, 1957)
Un jeune batteur de jazz sorti de nulle part se fait remarquer par une impresario. Le film retrace sa route (semée d’embûches, bien sûr !) vers la gloire. A l’époque il fut un grand succès du box-office, et l’acteur principal, Yujiro Ishihara, est par la suite devenu une star. Tout était réuni au préalable pour que ce soit un blockbuster, et le film souffre des défauts habituels de ce genre de productions. Le scénario rebondit souvent, mais manque d’originalité. Les personnages ont des caractères marqués, sans nuances, et paraissent du coup un peu bêtes. Les acteurs sont stéréotypés, et on ne peut pas se tromper, le jeune premier est bien le héros du film.
On ne croit donc pas trop à cette histoire d’un talent artistique rebelle qui gravit les échelons de la reconnaissance dans le milieu du show-biz. Pourtant le film est intéressant dans l’éclairage sociologique qu’il donne (rétrospectivement et à son corps défendant). on sent que l’industrie du spectacle devait être satisfaite d’un tel film prescripteur de modes de consommation. Il est charmant de voir une compétition où le but est de devenir le meilleur batteur de jazz du japon, surtout quand, pour départager les deux ultimes prétendants, on organise un duel de batteries. Cette tentative d’introduire des critères quantitatifs dans l’appréciation de la musique paraît bien naïve, alors qu’aujourd’hui on sait bien qu’il suffit de comparer les budgets de production des disques... Quoiqu’il en soit, on s’interroge (et on se prend à espérer) quand le héros, fatigué, échoue dans le bar refuge où des pochettes de disque sont accrochées au mur. Pub subliminale de la maison de production, ou bien tentative de clin d’oeil du réalisateur à des disques qui comptent vraiment pour lui ?
The Eagle and the Hawk (Washi to Taka), d’Umetsugu Inoue (Japon 1957)
Un marin est assassiné dans les entrepôts d’un port. Le lendemain, son bateau part pour une longue traversée, et l’assassin est sûrement à bord. Le capitaine du navire, ami de longue date de la victime, semble en savoir plus qu’il n’en dit sur la cause du meurtre. Et deux matelots louches se sont embarqués au dernier moment (Ishihara Yujiro et Mikuni Rentaro). La grande qualité du film est de conserver presque jusqu’au bout l’ambiguïté sur les motivations et la culpabilité de chacun. L’ambiance est donc lourde (chacun soupçonne les autres), et de plus la présence de deux femmes sur le bateau (la fille du capitaine et une passagère clandestine) attise les rivalités. Il règne une moiteur qui n’est pas sans rappeler celle qui émane de Long Voyage Home de John Ford. Une vraie réussite.
le 06/05/2006