Takashi Miike
du 21/04/2006 au 29/04/2006
Teatro Nuovo Giovanni,
Udine
Shinobi, de Ten Shimoyama (Japon 2005)
Au début du 17e siècle, les Tokugawa prennent le pouvoir au Japon. Le temps des intrigues et des coups fourrés est alors terminé, et les ninjas qui remplissaient ces missions deviennent plus qu’inutiles, dangereux. Sur un tel canevas, certains réalisateurs (Johnnie To ?) auraient brodé une métaphore violente du néo-capitalisme qui se débarrasse du monde ouvrier. Foin de tous ces éclats ici. On a droit à long récit linéaire, tellement plat. Le Shogun organise une compétition entre les deux villages qui fournissent les guerriers ninjas. Cinq guerriers de chaque village doivent se rendre à son palais et combattre. Le but du film est fixé, et l’action n’a plus qu’à se dérouler, les guerriers s’éliminent les uns après les autres, restent les deux jeunes premiers. Ils sont tellement lisses qu’on a du leur refiler des techniques de combat qui ne paient pas de mine mais qui sont diablement efficaces. Elle a « le regard qui tue » (elle a tiré la première, m’a touché c’est foutu...) et lui a une perception du temps si fine qu’il voit les gouttes d’eau dans une cascade. Mais surtout ils ont du coeur, et ils s’aiment. Et ils ont aussi un cerveau, et leurs sourcils se froncent tellement ils réfléchissent fort. Ils comprennent peu à peu que le Shogun est en train de les arnaquer. À un moment le film s’arrête, et on n’est pas mécontent de sortir de la salle de cinéma.
Always - Sunset on the third street, de Takashi Yamakazi (Japon 2005)
La vie d’un quartier de Tokyo après la guerre. Une production coûteuse puisque le quartier en question a été reconstruit pour l’occasion en grandeur nature. Et tout ça pour une histoire sur le thème « nous étions pauvres, nous travaillions dur, mais nous étions heureux » Et pas corrompus et dépravés comme la jeunesse de maintenant. Il est possible que le film soit brillant dans ses deux derniers tiers. Mais ça n’en prenait pas le chemin quand nous sommes partis siroter du tocai friulano sur la terrasse du Teatro Nuovo Giovanni.
A Watcher in the Attic, d’Akio Jissoji (Japon 1994)
Le festival organisait cette année une rétrospective de films d’Akio Jissoji. Ce réalisateur a commencé sa carrière à la télé dans les années 60, période pendant laquelle il travaillait sur des séries de monstres surfant sur le succès de Godzilla. Il passe ensuite à la réalisation pour le cinéma, en abordant ce nouveau secteur par sa face la plus aventureuse et artistique, puisqu’il travaille au sein de l’Art Theatre Guild, maison de production qui accueillait également Shuji Terayama et Nagisa Oshima.
Tourné en 1994, A watcher in the Attic est tiré d’un roman d’Edogawa Rampo (de son vrai nom Hisai Taro, mais oui, c’est comme Edgar Allan Poe, avec plus d’érotisme). Dans une pension de famille, les locataires se fréquentent, boivent ensemble et élaborent des théories sur la révolution. Ils retournent ensuite chacun dans leur chambre. C’est alors que par hasard Goda, l’un de ces locataires, trouve le moyen de grimper dans le grenier et observe les moeurs (étranges, il faut bien le reconnaître, des ses co-pensionnaires). Un meurtre sera commis, une enquête menée, mais ce qui compte ici c’est l’étude des personnages, de leurs perversions. Jissoji crée un univers étrange, Poe-esque à souhaits, dans un faux noir-et-blanc pas si éloigné que ça de ce que font Guy Maddin ou les frères Quay. Formellement c’était sûrement l’une des plus belles propositions du festival.
Imprint, de Takashi Miike (Japon 2006)
Les débuts américains de Takashi Miike ! C’est ainsi qu’est annoncé avec force trompettes le film. Imprint devait faire partie d’une série télévisée intitulée Masters of Horror, chaque épisode étant réalisé par un maître de l’horreur (dont Romero, Carpenter...). Histoire d’en rajouter dans le marketing bon enfant, Imprint est le seul épisode qui finalement n’a pas été diffusé (car trop horrible) et réservé à l’exploitation en DVD. Un occidental (interprété par Billy Drago) est à la recherche de la femme qu’il a aimé. Il arrive sur une île-bordel, et passe la nuit avec une prostituée défigurée qui lui raconte ce qui est arrivé à sa dulcinée. Les scènes de torture qui sont présentées ne sont pas très agréables à regarder, mais ce qui achève l’impression de malaise, c’est l’atmosphère glauque dans laquelle baigne le film, son image trop léchée, son ambiance gothique. Finalement on a l’impression que cela tourne un peu à vide. On préfère Miike quand il s’attaque au film pour enfants, comme sa récente Guerre des Yokais.
Date de sortie :
Shinobi : 16 mai 2007
le 08/05/2006