Andrew Lau
Alan Mak
du 20/04/2007 au 28/04/2007
Teatro Nuovo Giovanni,
Udine
Whispers and Moans, de Herman Yau (2007)
Herman Yau est un cinéaste prolifique, souvent metteur en scène mais parfois seulement derrière la caméra, dont la filmographie brille par son éclectisme. Loin des films de gangsters ou de catégorie III qui ont fait sa réputation, il livre ici une chronique sociale sur le monde de la prostitution à Hong-Kong. L’action gravite autour d’une mère-maquerelle interprétée par Athena Chu et de son équipe d’hôtesses. Chacune se trouve à un stade différent de la profession : une est native de l’île et est empêtrée dans des problèmes de drogue, une autre vient de la Chine continentale et a réussi à accumuler un pécule qui fera d’elle une femme riche dans son pays à son retour. Bref des parcours variés, des aspirations différentes. Et c’est justement ce côté « il faut un représentant pour chacune des situations possibles » que l’on peut reprocher au film. On obtient une galerie de stéréotypes mais pas de vrais personnages. Mis à part ce côté raté de la chronique, on a un film qui se laisse regarder, souvent captivant quand il suit les états d’âme de ses personnages.
My Name is Fame, de Lawrence Lau (2006)
Lau Ching-Wan est un acteur majeur du cinéma de Hong-Kong, emblématique de la vague de films policiers des années 90 tels que Full Alert de Ringo Lam ou Longest Nite de Johnnie To. Mais depuis les années 2000, il semble avoir tiré un trait sur ce type de films (au grand désespoir des fans du genre), et se consacre à des comédies enlevées, mais souvent superficielles. Bref il donnait un peu l’impression d’avoir la meilleure partie de sa carrière derrière lui. Ses talents d’acteur, indéniables, lui ont permis souvent d’être nominé pour les HK Awards, mais il a toujours manqué ce petit plus qui permet de remporter cette distinction.
My Name is Fame est une mise en abyme de sa propre histoire. Il y incarne un acteur autrefois meilleur espoir qui est aujourd’hui plus ou moins un has been, imbuvable sur les plateaux avec ses remarques pour améliorer les prises. Il se retrouve à enseigner son art à une jeune débutante. Tous les ingrédients d’une bonne comédie dramatique sont en place : elle aura du succès, il sera jaloux, mais en même temps il y a de l’affection entre eux deux. Alors ou il y a pas mal de clichés évidents, mais on se laisse prendre à cette romance. Et d’autant plus que finalement ce n’est pas le principal. Le film parle de l’industrie du film à Hong-Kong, et on passe du temps sur des plateaux de tournage à voir des gens travailler (de vrais réalisateurs comme Ann Hui et des acteurs comme Ekin Cheng), et surtout prendre du plaisir à produire un film.
Ah, dans la vraie vie, Lau Ching-Wan a enfin remporté le HK Award du meilleur acteur avec ce film...
Confession of Pain, de Andrew Lau et Alan Mak
Ceci est la nouvelle oeuvre du duo qui nous a offert la trilogie Infernal Affairs, autant dire qu’il y a autant d’attente que d’appréhension avant la séance. Attente parce que le premier Infernal Affairs a relancé la mode du polar HK, et que le numéro 2 a prouvé qu’ils étaient capables de réaliser un film noir sans effets de manches, qui met en avant le travail d’acteur. Appréhension parce que leurs films sont avant tout destinés à être des blockbusters, et ce qu’on appelle « perfection classique » quand leur film nous plaît pourrait tout aussi bien passer pour une succession de clichés et un recours à des ficelles archi-connues.
Au final, il y a un peu de tout ça dans Confession of Pain, d’où un avis mitigé. Le film repose sur un scénario solide, avec pas mal de rebondissements. Et pourtant il semble souvent plat : découvrir une des clés du films lors d’un dialogue entre les deux personnages principaux, c’est définitivement moins bien que de le montrer en images. On a l’impression d’un monde glacé, sans désordre. À l’image du personnage de Tony Leung, imperturbable (en passant, on a l’impression qu’il se contente désormais de sous-jouer tous ses rôles, comme Simon Yam, et c’est un peu dommage). Heureusement le rôle de Takeshi Kaneshiro (ex-flic alcoolique) apporte une touche de bordel vraiment bienvenue.
On the Edge, de Herman Yau (2006)
Une histoire de flic infiltré de plus. Mais ce sous-genre franchit une étape et réfléchit sur lui-même, puisqu’on a là un undercover-polar psychologique. Hoi (interprété par Nick Cheung) réintègre la police après avoir passé plusieurs années incognito dans une triade et en avoir fait arrêter le boss. Il doit affronter la méfiance de ses collègues, qui le soupçonnent de les espionner pour la mafia, et le mépris de ses anciens amis qu’il a trahis.
Dans ses précédents films, le diptyque Election, Nick Cheung crevait l’écran alors qu’il n’avait qu’un second rôle. On attendait donc avec impatience de le voir en haut de l’affiche. Les espoirs sont comblés avec ce personnage aux prises avec ses états d’âme et sa crise d’identité : il a besoin de tout son talent d’interprète. Pour lui donner la réplique, les seconds rôles sont somptueux : Anthony Wong en flic aux méthodes pas très nettes, et Francis Ng en chef de triade plein de panache. Dans le jeu de flics contre voyous, le film cherche a ménager les deux parties. Apporter un point de vue pondéré et raisonné, c’est un peu la patte d’Herman Yau. Mais son relativisme forcené est un peu lassant : il manque à son film un climax qui pourrait opérer comme une catharsis. Ici on en ressort en ayant au mieux assimilé les frustrations du personnage principal. Malgré ce bémol, On the Edge est un bon cru du cinéma policier de Hong-Kong.
Wai chai (C.I.D. - 12), de Patrick Tam (1976)
After This Our Exile a valu à Patrick Tam une reconnaissance unanime de ses pairs et de la critique. Tout le monde a redécouvert et réévalué le travail de réalisateur de cet homme qui est le plus souvent directeur de la photo sur le tournage des autres. Une grande partie de ses propres réalisations ont été tournées pour la télévision à la fin des années 70 et au début des années 80, souvent de simples épisodes d’une série.
C.I.D. était une série policière avec pour cadre un commissariat de quartier. Dans cet épisode on découvre un tout jeune Simon Yam qui court après des bandits. Au niveau de la mise en scène, on lui a peut-être dit quand entrer dans le champ et vers où se déplacer, mais c’est bien tout. Le jeu d’acteur est inexistant, le scénario enchaîne les scènes parce qu’à un moment, il faudra bien arriver à la fin, bref, ce n’est pas une réussite.
A Saintly Girl (Thirteen - 2), de Patrick Tam (1977)
Thirteen est une série de suspense destinée à donner des (petits) frissons. Dans cet épisode un professeur qui emménage dans une pension de famille se voit persécuté par la jeune adolescente de la famille, sans qu’on discerne le mobile de ses actions. Même si l’action est assez simple et linéaire, l’incertitude qui plane longtemps sur la culpabilité de la jeune fille en fait un film gentiment dérangeant.
Suffocation (Thirteen - 4), de Patrick Tam (1977)
Dans cet autre épisode, un longiligne Chow Yun-Fat incarne un photographe qui devient obsédé par les photos d’acte de violence qu’il prend. Il cherche à saisir le moment même de la souffrance et de la douleur, et se lance dans une quête morbide. On pense à l’Antonioni de Blow Up et Profession Reporter en voyant ce film, où Tam fait montre de son savoir-faire et de ses prétentions artistiques.
Lam Kin-ming (Seven Women - 6), de Patrick Tam (1976)
Une femme travaille le soir dans un bureau, retranscrivant les enregistrements de son patron. Mais ce soir-là, elle se sent observée... Ceci est un film de démonstration : comment faire peur avec le minimum de moyens (une actrice, un décor impersonnel) et le maximum d’effets dramatiques. Et c’est une petite réussite, bien que l’effet catalogue des techniques de thriller soit un peu trop visible. Bien sûr ce type de film montre plus un savoir-faire qu’une personnalité, mais il témoigne d’une époque où la télévision de Hong-Kong était un laboratoire qui permettait à de jeunes réalisateurs de faire leurs preuves (de nombreux cinéastes ont commencé comme ça : Ann Hui, Tsui Hark...).
le 29/04/2007