du 16/10/2009 au 10/01/2010
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris,
Paris
Félix González-Torres / James Lee Byars / Joan Mitchell / Martin Kippenberger / Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris / Robert Mapplethorpe / Willem de Kooning
Pour être tout à fait honnêtes, nous ne rendions pas au Musée d’art moderne de la ville de Paris avec les meilleures prédispositions, redoutant que cette exposition consacrée aux derniers travaux de plasticiens proches de la mort ne dépassât pas son argument quasi-publicitaire. Autre écueil que la commissaire, Odile Burluraux, devait éviter : tomber dans le pathos et le morbide avec un alignement d’œuvres sombres et macabres. Mais l’habile sélection d’artistes de renommée internationale combinée avec un accrochage (un espace d’exposition pour chacun des douze créateurs) alternant savamment pièces poignantes et approches moins plombées viennent rapidement balayer toute appréhension.
En réalité, même si la perspective de la mort influence forcément la démarche artistique des intervenants, peu d’entre eux optent pour une véritable rupture stylistique. Loin de toute radicalisation de leur propos, ils préfèrent en effet une rupture dans le sujet abordé, à l’image de Martin Kippenberger qui décide d’enfin s’inscrire dans une tradition picturale en se saisissant du Radeau de la Méduse de Géricault. L’Allemand s’identifie alors aux naufragés et réalise une sorte d’installation composée d’une série de portraits et d’un tapis de moquette reprenant les rondins formant le fond du radeau. Pour Chen Zhen (auteur des œuvres probablement les plus « dures », avec la vidéo Cris d’Absalon), les dernières années le voient se confronter directement (via des installations, des sculptures en cristal ou en albâtre) au corps humain et à ses composantes. Si la totalité de l’œuvre de Félix González-Torres est imprégnée de l’idée de mort, l’inéluctable transpire encore davantage des photographies de vautour en noir et blanc ou du rideau de perles que le spectateur doit traverser.
Prenant acte de leur déchéance physique, plusieurs artistes font le choix d’adapter leur pratique à leur condition, dans un mouvement d’acceptation qui leur fait honneur, loin de toute bravade ou de déni de la réalité. Mais jamais cette évolution de leur geste ne s’accompagne d’une décrépitude créatrice, bien au contraire. Ainsi, Hans Hartung, en passant du pinceau à la sulfateuse, va décupler sa production, jusqu’à produire 650 peintures en 3 ans, tout en conservant (sauf à la toute fin) une gamme chromatique lumineuse. De même, Joan Mitchell souhaita garder ses grands formats de toiles mais se résolut à ne peindre qu’au milieu de celles-ci, conférant aux larges parties blanches situées en haut de ses œuvres une signification poignante. Ne pouvant plus se déplacer, Robert Mapplethorpe se fit apporter des statues et crânes afin de pouvoir continuer son travail photographique, érotisant toujours plus les corps d’éphèbes. Atteint d’une grave maladie, Willem de Kooning épura son trait pour n’en retenir qu’une sorte d’esquisse, d’une légèreté sublime.
À l’instar de la cellule d’Absalon, petite reconstitution d’un appartement, entre espace mental et réinvestissement architectural, de l’installation dorée de James Lee Byars (qui sert de visuel à l’affiche de l’exposition) ou des polaroïds agrandis d’Hannah Villiger centrés sur un bout de tissu ou une partie de son corps rongé par la tuberculose, la presque totalité des pièces présentées s’avère suffisamment probante en dehors même de toute contextualisation, signe de la réussite d’une exposition impressionnante.
le 05/12/2009