Pier Paolo Pasolini
Johan Simons
du 06/01/2010 au 10/02/2010
Théâtre des Amandiers,
Nanterre
Attachée au théâtre de Pier Paolo Pasolini, la compagnie néerlandaise Theatergroep Hollandia avait présenté Théorème et Porcherie avant de monter Deux Voix en 1997. En raison de son succès, la pièce a été jouée en allemand et en anglais, puis donnée au Festival d’Avignon en 2004 en français et enfin aux Amandiers de Nanterre cet hiver. En lieu et place des deux voix annoncées par le titre, ce sont en réalité quatre personnages qui vont se succéder, prenant la parole tour à tour dans une atmosphère de fin de banquet (verres couchés, chaises renversées, bouteilles vides, nappe tâchée de vin) propre à une libération certaine du verbe. Pour interpréter ces quatre intervenants, Jeroen Willlems est seul en scène, utilisant quelques accessoires ou changeant de chaise pour signifier qu’il passe d’un politicien à un mafioso, d’un capitaine d’industrie à un travesti.
Car c’est bien le propos de la pièce : narrer les rapports troubles entre pouvoir politique et pouvoir économique et la corruption industrielle qui en résulte. Cette diatribe anti-grands groupes financiers pourrait sonner comme extrêmement convenue, à l’heure où la moindre pièce contemporaine se doit de taper sur le capitalisme, si le texte n’avait été écrit par Pasolini dans les années 1960. À cet égard, on apprécie que Johan Simons, hormis un « Berlusconi » lâché à un moment, n’abuse pas d’insertions-clins d’œil à l’actualité, faciles béquilles destinées à s’attirer les bonnes grâces du public trop content qu’on lui balise ainsi la résonance de la pièce à laquelle il assiste. Charge à chacun, en vérité, d’interpréter à sa façon la charge pasolinienne et, par exemple, de faire le lien entre la description d’un empire industriel (multiples branches et filiales, diversification des domaines d’intervention) et le récent rapport pointant du doigt la consanguinité au sein des conseils d’administration des grandes entreprises du CAC 40.
Au bout de la pièce, le metteur en scène a inséré un discours prononcé par Cor Herkströter, ancien dirigeant de Shell, évoquant l’importance toute relative des multinationales et la perte de confiance et d’autorité des institutions (politiques, sociales, religieuses). Comme les autres, ce passage permet à Jeroen Willems de faire étalage de sa capacité à croquer rapidement un personnage, par un jeu parfois truculent (lorsqu’il interprète le travesti), limite grimaçant mais nécessaire pour donner du rythme à cette suite de monologues. Au reste, son élocution assez lente et très articulée (du fait de sa non-francophonie) permet à la fois de s’imprégner du texte et de mettre une forme de distance avec celui-ci, de le dégager de toute velléité sentencieuse et culpabilisatrice.
le 18/01/2010