Marius Von Mayenburg
Bernard Sobel
du 22/01/2010 au 17/02/2010
Théâtre de la Colline,
Paris
Au sein d’une saison particulièrement tournée vers l’Allemagne (cinq auteurs et un metteur en scène germaniques sont effectivement programmés, soit un spectacle sur deux), la Colline accueille la première mise en scène française de La Pierre, écrite en 2008 par Marius Von Mayenburg. À la différence de L’Enfant Froid, vu il y a trois saisons, cette pièce s’éloigne du conflit familial pour embrasser une perspective plus historique en s’attachant au destin d’une maison de Dresde.
Achetée en 1935 par Witha et son mari Wolfgang à un couple juif forcé de s’exiler en raison des lois nazies, la bâtisse sera en 1945 au cœur des bombardements alliés. En 1953, Witha la quitte pour aller vivre en RFA puis y retourne quelques jours avec sa fille enceinte en 1978, alors qu’elle est devenue un logement communautaire. Enfin, en 1993, les trois générations de femmes (Witha, sa fille et sa petite-fille) veulent en reprendre possession et y croisent une jeune est-allemande qui y a habité aussi. Évidemment, la maison (et la pierre du titre a fortiori) agit comme un symbole pour évoquer soixante ans d’histoire allemande et effectuer un travail sur la mémoire. Dans ce contexte, se font assez vite jour les petits arrangements avec la vérité qui se sont transmis de génération en génération, glorifiant les actions de Wolfgang pendant la guerre ou faisant de Witha et lui des protecteurs du couple juif, raillés comme tels par les autres Allemands. La confrontation entre ces trois générations de femmes va voir la petite-fille permettre à sa grand-mère d’accepter enfin la vérité, après des années de mensonge qui comblait aussi bien celle qui le tenait que celles qui en étaient destinataires. Interrogeant également sur la manière dont se construisent nos souvenirs (à partir de notre propre mémoire ou via ce que l’on nous raconte depuis que nous sommes enfants ?), la pièce de Mayenburg choisit cependant de ne pas culpabiliser ses personnages, si bien qu’on évite pour partie la repentance habituelle liée aux événements de la seconde guerre mondiale afin d’opter pour une approche en contournement.
Construite de manière fragmentée et non chronologique (on passe d’une époque à l’autre à chaque scène), La Pierre présente ainsi cette efficacité dramaturgique (peut-être un rien trop didactique) d’un puzzle qui se reconstitue progressivement, le spectateur étant guidé par des chiffres au néon indiquant la date à laquelle l’action se situe. De son côté, la mise en scène de Bernard Sobel se veut sobre, plaçant véritablement la maison comme personnage principal, les quelques meubles disposés au milieu du plateau restant immobiles tandis que les comédiens vont et viennent autour. Parmi eux, Edith Scob fait de Witha une grand-mère espiègle ou plus grave, torturée à la limite de la sénilité puis soulagée de se libérer du poids de l’Histoire et de quitter, au soir de sa vie, le territoire du mensonge.
Autres dates :
– du 23/02/2010 au 04/03/2010 : Théâtre du Nord - Lille
le 03/02/2010