du 28/01/2011 au 10/04/2011
Centre Culturel Suisse,
Paris
Alighiero Boetti / Arnaud Maguet / Centre Culturel Suisse / Christian Marclay / Daniel Dewar et Grégory Gicquel / Dominique Blais / Francis Baudevin / Hugues Reip / Isa Genzken / Jeremy Deller / Jim Shaw / John Armleder / Philippe Gronon / Pierre Vadi / Rainier Lericolais / Saâdane Afif / Su-Mei Tse / Valentin Carron / Vincent Kohler
Depuis quelque temps, il ne se passe pas une demi-saison sans qu’une exposition s’attache aux liens entre musique et arts plastiques, en prenant souvent comme point de départ le disque vinyle, plus à même d’être travaillé par les créateurs (taille de la pochette, brillance du noir, présence de l’étiquette centrale) que le CD. À son tour, le Centre culturel suisse rejoint cette mouvance avec Echoes, exposition collective qui, judicieusement, ne s’en tient pas qu’aux artistes helvètes, positionnement qui aurait assurément été trop réducteur.
Comme on pouvait s’y attendre, le vinyle se trouve majoritairement à l’honneur et utilisé sous toutes ses facettes. Il peut ainsi servir de base aux micro-architectures de Saâdane Afif, d’élément central de la sculpture en mouvement de Su-Mei Tse, de composant d’une colonne faite précisément d’empilage de vinyles pour Christian Marclay ou être brisé par Francis Baudevin afin que sa découpe renvoie aux contours d’un pays imaginaire sur un atlas inventé. Mais un disque vinyle sert principalement à diffuser de la musique ou à l’évoquer, ce dont se souvient Thomas Bayrle quand il crée une « super-image » (Louis Armstrong semblant s’extraire des sillons), Dave Muller quand il prend en photo les tranches de ses LP favoris, comme autant de témoignages d’un pan de vie, ou lorsque Pierre Vadi réalise des ronds de résine aux motifs psychés.
Précisément, codes et couleurs significatifs sont également utilisés, souvent pour les détourner dans une gentille ironie. John Armleder juxtapose ainsi Epiphone et peinture aux mêmes rayures oranges et noires, Francis Baudevin travaille à nouveau le rôle des logos et marques en s’en tenant aux quatre couleurs reggae tandis que Dewar et Gicquel agrandissent des médiators pour en faire des objets arts premiers. La transformation alors opérée trouve un écho dans la démarche d’autres plasticiens qui sont allés jusqu’à inventer eux-mêmes de nouveaux instruments. De la très belle baguette en verre de Vincent Kohler au double banjo d’Alighiero Boetti, des instruments en forme d’organes de Jim Shaw aux guitares cubistes de Valentin Carron, ce sont autant de créations décalées et, en apparence, inutilisables qui nous sont montrées. Dans deux mouvements opposés, Rainier Lericolais est parti d’un instrument à vent pour faire une suspension (Mobile) tandis que Michael Sailstorfer a confectionné une batterie avec les restes de carrosserie d’une voiture de police allemande (avec ses célèbres couleurs vert et blanc).
Medium de diffusion, instrument de musique, restait à s’arrêter sur la figure du musicien lui-même et notamment sur la manière dont les groupes s’affichent et se représentent. Hannes Schmid accroche deux grandes photos de Kraftwerk et Kiss, Christian Marclay réalise quatre fausses affiches de concert et Jeremy Deller des sérigraphies à base de noms propres pendant que Sandrine Pelletier glorifie l’espace scénique et Andreas Dobler une formation heavy-metal. Mais le risque d’icônisation et de déchéance ne sont jamais loin, comme nous le rappellent le Carl Cox statufié de Dewar & Gicquel, l’installation d’Allen Ruppersberg, les peintures de Dawn Mellor transperçant Morrissey ou défigurant Britney Spears et les panneaux lumineux d’Arnaud Maguet qui moquent les centaines d’enseignes Elvis jalonnant le Tennessee.
Par rapport à toutes les autres expositions « musicales » vues ces dernières années, une chose nous a frappé au cours de notre visite : le caractère non sonore d’Echoes. Parti pris revendiqué par l’équipe curatoriale, ce choix permet probablement de se concentrer davantage sur les créations plastiques. De toute façon, on ne voit pas bien comment de la musique aurait pu être diffusée puisque ce ne sont pas les enceintes en béton de Dominique Blais, les petits transistors, eux aussi en béton, d’Isa Genzken ou les amplis capturés en photo par Philippe Gronon qui auraient pu beaucoup nous aider. Et pourtant, le bow-window du Centre culturel suisse se trouve éclaté par Hugues Reip comme si, malgré tout, l’impact sonore avait bien eu lieu.
le 04/04/2011