Festival Fruits de Mhère : M.Perrone - T. Lehn - G. Christmann + A. Frangenheim

 date du concert

02/08/2003

 salle

Colline de Didier,
Brassy

 tags

Colline de Didier / Festival Fruits de Mhère 2003 / Jean Derome / Marc Perrone / Paul Dutton / Thomas Lehn

 liens

Thomas Lehn
Jean Derome

 dans la même rubrique

Cette après-midi, les concerts ont lieu "chez Yan et Riske", et différents emplacements sont délimités dans le jardin pour accueillir les groupes qui doivent jouer, entre une longère restaurée et un petit étang. Comme c’est l’heure de la sieste et que le soleil chauffe, les spectateurs s’étendent sous les arbres pour assister au premier concert.

Marc Perrone (accordéon diatonique) - Jacques Di Donato (clarinette)
Bien que ce soit annoncé comme un duo, c’est surtout Marc Perrone qui fait le spectacle, joue de l’accordéon diatonique, pour des ballades et des berceuses aux accents de musique traditionnelle russe, ou inspirées par un arbre africain (le bonhomme voyage !), et surtout raconte des histoires, présente sa chanson, une telle est composée pour l’émission de son ami David Mermet (monsieur a des relations !), l’autre il la joue depuis 20 ans, et voilà que c’est un autre qui remporte un succès avec (il s’agit des amants de Saint-Jean). D’habitude ce ne serait pas notre tasse de thé, mais là, nous venions de pique-niquer, il faisait bon à l’ombre, et ça a convenu parfaitement au moment.

Thomas Lehn (synthétiseur analogique) - Tiziana Bertoncini (violon)
Les deux musiciens se sont installés sous le grand arbre au milieu du jardin, et le public s’assied autour d’eux. Mats Gustafsson, adossé contre l’arbre, se moque de Thomas Lehn qui porte comme à son habitude en concert son tee-shirt fétiche. C’est surtout ce dernier qui se fait le plus entendre, avec l’éventail habituel des sons dont il dispose, craquements avec de l’écho et sons plus clairs de synthé. Tiziana Bertoncini alterne les périodes où elle fournit une base continue pour les courtes détonations de Lehn, et des brèves attaques de corde à la main, qui instaurent un dialogue. Un tel duo a le mérite de faire entendre des instruments pas si fréquents en improvisation, mais l’ensemble manque hélas un peu d’éclat, on aurait préféré un instrument plus énergique pour faire face au jeu épileptique de Thomas Lehn.

Günter Christmann (trombone et violoncelle) - Alexander Frangenheim (contrebasse) - Paul Dutton (voix)
Ce devait être un duo entre deux collaborateurs proches, Christmann et Frangenheim, le hasard des rencontres fait que Paul Dutton vient se joindre à eux. La première partie est composée de glissements d’archets prudents, et longs borborygmes retenus de la part de Dutton. On ressent le moment où les musiciens se jaugent afin de trouver un terrain d’entente. Dutton et Christmann jouent aux marges des possibilités de leurs media respectifs, et trombone et voix deviennent difficiles à distinguer. La seconde partie est plus enlevée : ils se laissent aller à des actions plus franches, où chacun prend tour à tour l’ascendant. Cela ne les empêche pas de conserver leur capacité d’écoute : Frangenheim restera un long moment concentré, yeux fermés, attendant l’occasion de repartir après avoir laissé ses complices en duo.

Jean Derome (objets et saxophone) - Alfred Spirli (objets et percussions)
ce fût l’une des heureuses surprises de ce festival. Le canadien et le français ne sont pourtant pas des inconnus, mais c’était la première fois que nous avions l’occasion de les voir jouer. L’installation de leurs bardas respectifs est déjà un spectacle en soi : batterie approximative et objets étalés dans l’herbe pour Spirli, objets hétéroclites en nombre infini (au désarroi du maître des lieux qui n’en finissait pas de sortir des tables de sa maison pour supporter ce capharnaüm) pour Derome. Puis pendant une heure, ils nous donnent à entendre des sifflets, des soufflements dans des tuyaux, des bruits d’appeaux, des sifflements de cordes tournoyantes, des raclements de plastique sur le mur de la maison, la chute des prunes de l’arbre secoué par Spirli, et bien d’autres choses encore. Et malgré la simplicité et la banalité des moyens employés, la musique produite est tout-à-fait comparable avec ce que d’autres improvisateurs obtiennent avec des instruments plus traditionnels. Comme si le point d’arrivée des utilisations détournées d’instruments était tout simplement de faire de la musique avec tous les objets du quotidien qui nous tombent sous la main.

Débat sur la diffusion de la musique improvisée
Nous en avons peu parlé dans ces pages, mais tout au long du festival, de nombreux débats et prises de paroles ont fait échos à la crise que traverse actuellement le monde des intermittents du spectacle. Pas de grèves : comme l’explique Jacques Di Donato le dernier jour, organiser ce festival est déjà une forme d’action militante, mais des discussions ont lieu entre spectateurs et intermittents présents, animées par un petit groupe de figures connues, dont le musicien Jérôme Noetinger, pour expliquer la réalité de la situation vécue par les personnes qui bénéficient de ce régime social et pointer les incohérences et les manques de la réforme. C’était également l’occasion de s’ouvrir à des questions connexes, comme la diffusion des musiques improvisées, au travers de différentes expériences d’organisateurs de concerts, incitant à l’initiative privée (peu de moyens sont finalement nécessaires) ou au contraire rappelant la nécessité de faire connaître l’existence de telles manifestations aux institutions locales.

Bertrand Le Saux, Soizig Le Calvez
le 27/08/2003

À lire également

12/10/2002
Kevin Drumm - Mats Gustaf
(Konstmuseum)
31/07/2003
Festival Fruits de Mhère
(Colline de Didier)
11/10/2002
Peter Brotzmann - Ikue
(Konstmuseum)
Urs Leimgruber & Thomas Lehn
Lausanne
(For 4 Ears)