du 28/09/2012 au 16/12/2012
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris,
Paris
Lors de l’exposition annuelle consacrée à la sélection du Prix Fondation d’entreprise Ricard, nos suffrages s’étaient portés sur Bertille Bak et son film consacré aux habitants d’un quartier de Bangkok dont l’immeuble était en passe d’être détruit. C’est donc avec un entrain réel qu’on se rendait au Musée d’art moderne de la ville de Paris pour voir une exposition personnelle de la jeune femme, constituée, en vérité, de deux installations elles-mêmes composées de plusieurs œuvres.
Chacune des deux propositions lui permet de poursuivre son exploration des communautés et de leurs rites, groupes humains qui partagent peut-être le même territoire (urbain et parisien, cette fois-ci), mais qui ne se croisent quasiment jamais. De fait, Transports à dos d’hommes s’attachent aux tziganes jouant dans le métro et Ô Quatrième aux sœurs de la charité officiant dans un monastère du centre de Paris. Pour les premiers, outre une vidéo montrant leur habitation de fortune (une caravane arrêtée sur un terrain vague d’Ivry-sur-Seine, qui sert aussi de local de répétition), des plans lumineux sonorisés permettent de retrouver l’ambiance sonore capturée sur les lignes de métro de Paris, Berlin, Londres, Rome et Madrid. En regard de ces plans, des planches de relevé sonore traduisent sur le papier l’intensité auditive entre deux stations.
Un rideau de bouchons de liège (dont un cartel nous précise que, s’agissant d’une œuvre d’art, il ne faut pas le traverser) sépare la salle consacrée aux tziganes de celle dédiée aux religieuses. Là aussi, une vidéo s’intéresse aux lieux de vie des bonnes sœurs, et notamment à l’une des plus âgées d’entre elles, logée au quatrième étage du couvent. Au pied du grand écran vidéo, une reproduction, en lino et à l’échelle 1, de la cellule de vie de la religieuse et des objets divers ayant appartenu à plusieurs habitantes du lieu permettent de matérialiser leurs conditions de vie. Afin de s’extraire du matériel et de participer à leur élévation d’âme, une chaise élévatrice (avec notice de sécurité adéquate) est même conçue par Bertille Bak.
Dans un cas comme dans l’autre, on retrouve cette grande empathie qui caractérise le travail de la jeune femme, résultant d’une période d’immersion auprès de ses sujets, moments favorisant la connivence, voire l’instillation d’une dose de fiction décalée dans une démarche qui échappe ainsi aux pièges du « tout-documentaire ». Cette même malice va jusqu’à infuser le catalogue d’exposition dont la couverture possède cette souplesse, cette couleur bleu foncé et ce caractère plastifié des plans de Paris vendus en librairie. Au-delà de cette délicate forme d’ironie, un discours un peu politique peut également être lu, en sous-texte des propositions de Bertille Bak qui, à la différence d’autres plasticiens, ne se fait pas trop ostentatoire dans sa démarche mais incite assurément à la réflexion sur la mécanique sous-tendant les communautés objets de son regard.
le 26/11/2012