Boréales Digitales 2003 : D. Sodahberk - Smyglyssna - Mokira - K. Hiorthoy

 date du concert

28/11/2003

 salle

Centre d’Art Contemporain,
Hérouville Saint-Clair

 tags

Centre d’Art Contemporain / Dwayne Sodahberk / Festival Boréales Digitales 2003 / Kim Hiorthøy / Mokira / Smyglyssna

 liens

Kim Hiorthøy
Mokira

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La deuxième édition des Boréales Digitales, pendant musical du festival Les Boréales dédié à la vidéo et aux arts plastiques, recevait cette année la fine fleur de l’electronica nordique avec ce soir trois artistes suédois et le norvégien Kim Hiorthoy, apparemment très attendu. Les concerts se déroulaient au théâtre d’Hérouville, proche banlieue de Caen, dans un immense amphithéâtre qui ne sera pas plein, mais toutefois fort bien rempli au regard de certaines soirées parisiennes. Conditions d’écoute exceptionnelles, confortablement assis dans les sièges moelleux du théâtre.

A notre grande surprise, c’est Dwayne Sodahberk qui a la lourde tache de débuter ce festival. Nous avions raté son concert au Centre Pompidou en septembre pour cause de vacances, et nous nous devions de ne pas rater la nouvelle prestation de ce jeune suédois signé chez Tigerbeat6. Ce fut tout simplement un véritable enchantement. Equipé de deux laptops, le frêle blondinet séduit immédiatement avec une lente mélodie de violon plutôt mélancolique et une rythmique de batterie entraînante sur laquelle viendra bientôt se greffer une mélodie de guitare. Chaque instrument semble être délicatement traité, filtré pour donner un grain électronique à la musique malgré ces sonorités acoustiques, avec bien sûr l’utilisation de boucles, de cassures, de sonorités électroniques limpides et de textures granuleuses. Des voix généralement douces viennent même parfois confirmer cette approche généralement pop avec des morceaux terriblement efficaces, concis, ou tout est dit en 3-4 minutes. La surprise sera a son comble avec l’avant-dernier morceau, alternant délicates mélodies de guitare, et mur du son, toujours mélodique, à la manière de Mogwai ou Godspeed You ! Black Emperor . Tout simplement ahurissant. On regrettera presque d’être un peu coincé dans un siège, se contentant de taper du pied en hochant la tête.

Ca commençait donc très fort, tout en confirmant notre étonnement de voir Dwayne Sodahberk en guise d’ouverture de cette soirée. Ayant magnifiquement rempli son contrat, ce fut alors à Smyglyssna d’enchaîner. Et justement celui-ci aura quelques difficultés à nous convaincre. Ce n’est bien sûr pas à cause de son look moins rock’n roll, ou de sa nonchalance, même si ces deux éléments viendront peut-être jouer sur notre appréciation de son set. Si tout commence bien, avec la construction d’un échafaudage minimal aux grooves subtiles, des interludes jazzy entre chaque morceaux, on regrettera l’utilisation un peu facile de certaines nappes de synthé, et le fait que souvent, mélodies et rythmiques semblent complètement dissociées et ne fusionnent jamais. Du coup, après 3-4 morceaux, il se dégage un certain ennui, auquel s’ajoute l’impression que le suédois s’ennuie lui aussi, passant d’un air détaché de la console de mixage au sampler pour lancer ses boucles.

A peine celui-ci eut-il fini son set que Mokira prend possession de son laptop, vêtu d’un t-shirt et d’une écharpe soigneusement enroulée autour du cou. Il nous surprend avec un mélange original et complexe, calme, mélodique mais celle-ci semble être le fruit d’une superposition d’autres mélodies plus abstraites, de souffles et textures granuleuses, le tout apparaissant et disparaissant au gré de l’humeur d’Andreas Tilliander. Entre la teneur des mélodies, douces et aériennes, et l’absence de rythmique dans la première moitié de son set, Mokira présente une vison personnelle de la musique électronique. Par contre, accompagnant la mode actuelle, il nous présentera un titre plus pop avec le chant d’une jeune japonaise, avant de conclure par deux titres franchement dub, mais bien fichus, et suffisamment efficace pour que quelques spectateurs quittent leur siège pour danser devant la scène. On prendra également soin de noter que celui-ci a trouvé le moyen d’intégrer des guitares à son dub sans que cela donne l’impression d’un ajout gratuit, contrairement à Pole.
Ce fut donc un excellent concert, un peu court (à peine plus d’une demi-heure) mais qui remporta l’adhésion du public.

Après une pause d’un quart d’heure qui se prolongera un peu, vint le tour de Kim Hiorthoy, accueilli par de riches applaudissements. Comme Smyglyssna, ce jeune norvégien se produit sur scène muni d’un simple sampler. Il commence par une mélodie de piano neo-classique, un discours samplé, les pulsations d’une basse imitant un rythme cardiaque de plus en plus présent. Puis des mélodies de piano plus immédiates prennent le relais, et lentement s’échafaude un morceau electronica, mélodique et groovy, sur lequel il vient poser une nouvelle mélodie de piano enfantine, complètement décalée. C’est d’ailleurs à ce niveau que se situe l’expérimentation, le reste, bien que d’excellente facture, restant assez immédiat.
Si Mokira arrivait déjà à faire passer une certaine énergie malgré le fait d’être coincé derrière son laptop, Kim Hiorthoy vaut le coup d’être vu sur scène. Tout son corps vit la musique, accompagnant chaque kick de batterie d’un brusque mouvement de tête, faisant des bonds de kangourou au rythme des basses, ou provoquant le public encore assis. A ce titre, le deuxième morceau fut un véritable régal, un décollage assuré avec superbe dosage des breaks retenant le public en haleine, et mélodies accrocheuses.
Malheureusement, au bout de quelques morceaux, cette accroche s’appuie sur des éléments faisant preuve de facilité : rythmique drum’n bass menée à toute berzingue, mélodies flirtant avec de l’euro-dance, partageant ceux qui voulaient danser, et ceux qui attendaient autre chose. Quelques uns quitteront la salle, les autres en redemanderont, et Kim Hiorthoy reviendra même pour un dernier morceau en guise de rappel. Quelqu’un dans le public lui demandera de jouer quelque chose "de plus bizarre", mais Kim ne comprenant certainement pas le français, il s’obstinera, surenchérissant avec un titre techno-hardcore.
Certes efficace, notre impression restera mitigée, ne sachant si ce genre de prestation est monnaie courante chez le jeune norvégien. Le décalage entre le début du set, les longues intros de piano, et le reste du concert nous laissera également perplexe quant à la voie empruntée par ce jeune artiste.

Il n’empêche que cette première soirée fut d’excellente facture, parfaitement organisée, offrant au public la possibilité de faire quelques découvertes dans d’excellentes conditions, et tout cela gratuitement.

Fabrice ALLARD
le 29/11/2003

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