28/11/2003
Teatro Verdi,
Pise
Avant d’aller voir ce "big band", on n’en sait pas grand chose. Tout juste que Schiaffini faisait partie de l’ensemble Nuova Consonanza dans les années 60, qui est responsable de belles pièces de free-machin, et que récemment ils ont joué avec Cecil Taylor, notamment au festival Banlieues Bleues. Le concert est un de ceux du "festival instabile", dont ils assurent la programmation, et a lieu dans le très beau cadre classique du teatro Verdi de Pise, plus habitué aux opéras de Puccini.
Le premier morceau est de Giancarlo Schiaffini, dirigé par lui-même, et c’est drôlement bien, très improv européenne, avec le trombone de Beppe Caruso qui fait "brufp brufp", des notes qui viennent de partout sans que l’on puisse prévoir d’où va venir la prochaine. Et puis par moment la masse de sons prend forme, et hop, un petite mélodie surgit, cela nous fait beaucoup penser à l’ICP Orchestra qui jouera ici dans deux jours, et c’est très agréable.
Le second est composé par Bruno Tommaso, membre important de l’Instabile, mais qui n’est pas là ce soir. Cela commence par la contrebasse seule, qui va jouer en terres pas très orthodoxes : on pense successivement à une rythmique rock, à l’ambiance lourde des films de Lynch, à quelque chose de d’américo-hispanique. Puis dans un deuxième mouvement, tout l’orchestre se met à jouer, et là on a l’impression de se retrouver face au générique d’un soap-opera californien (Côte Ouest ou Santa Barbara, on n’est pas très sûr). Ils ont un peu trop recours aux effets d’artillerie lourde que procure le nombre des musiciens, et s’en servent pour produire du poignant, du lacrymal. Quelques mauvais réflexes jazzy (une rythmique balayée, un solo de saxo de Cavallanti un peu trop mélodramatique) viennent de plus saler la note : cette partie sera celle que nous apprécierons le moins.
Puis ils entament le plat principal : une version courte de ce qu’ils jouaient avec Cecil Taylor lorsqu’ils accompagnaient le pianiste légendaire pour quelques concerts en Europe. Martin Mayes (queue de cheval, costume noir et cravate en polyamide dorée) vient présenter une des partitions : de simples dessins avec la localisation des musiciens, indiquant qui doit jouer à quel moment. Il a l’air de trouver ça plus que surprenant. Il faut dire que rien qu’à leur apparence, on peut voir que les musiciens ont des cursus plus que variés, d’une formation musicale classique à des pratiques plus expérimentales et improvisées. Toujours est-il que ce morceau est vivant, avec chacun des musiciens qui vient prendre le leadership sur le devant de la scène tour à tour. La musique se situe clairement dans une tradition américaine du free-jazz.
Il y aura encore après ça deux pièces courtes, aux allures de tubes rythmés et swinguants, qui achèvent de montrer l’ensemble de la palette du groupe. Cette variété est d’ailleurs déconcertante, car cela donne l’impression d’une machinerie où les musiciens ne sont que des interprètes mercenaires, alors qu’on aimerait sentir que ce que l’on entend est le fruit d’un long cheminement musical. Mais l’Instabile est tout de même une excellente surprise.
le 09/12/2003