01/06/2004
Batofar,
Paris
Aaaah les gens... leur diversité qui en fait toute la richesse. Ce soir on fut copieusement servi, et cette chronique parlera tout autant (voir plus) de nos contemporains que du concert de Matmos.
Déjà ça commençait mal. Se doutant bien que le concert ne commencerait pas à 20h comme marqué sur le billet, on arrive sur place vers 20h45. Pas mal de monde attend sur le quai, et on comprendra vite pourquoi : à l’entrée du Bato, une petite affiche sur laquelle on pouvait lire le message suivant : "En raison d’événements indépendants de notre volonté, la salle ouvrira plus tard que l’heure prévue". Nous voilà donc sur les quais, arrivés avec 45mn de retard, et finalement encore en avance. On se dit que le groupe est peut-être arrivé un peu tard, mais qu’en même temps, tout n’est pas perdu pour tout le monde : le bar qui est sur le quai marche plutôt bien malgré une météo timide.
Finalement, vers 21h15 on se décide à nous faire rentrer, à condition de rester parqué au niveau de la régie son, des chaises nous empêchant de descendre dans la salle, apparemment pour ne pas perturber le déroulement de la balance qui est en cours. Là encore on nous précise aimablement que l’on peut se diriger vers le bar en attendant, ce que l’on prendra soin d’éviter. Le public rentre petit à petit jusqu’à ce que les 2 niveaux du bar soient complets, ainsi que le petit hall d’entrée. Entre temps, un membre de l’équipe (du genre commercial, grand, blond, bronzé, sourire Colgate et brushing impeccable) viendra voir ceux qui restaient dans l’entrée pour les inciter à aller au fond du Bato, pour ne pas empêcher de nouvelles personnes de rentrer.
Vers 21h50, tout le monde commence à s’impatienter. Rappelons qu’il devait y avoir 3 concerts ce soir. Un spectateur fait part de son inquiétude à notre commercial qui lui répond "Vous avez des impératifs au niveau des horaires ???". Ben voyons, c’est clair qu’il n’y a que des bobos ce soir et que tout le monde est venu en voiture. Notre commercial n’est vraisemblablement pas au courant des horaires du métro... Mais même l’équipe technique de la salle s’impatiente, lançant un "On va pas y passer la nuit !!", ou encore un videur que l’on trouvera plutôt sympathique (ce qui est suffisamment rare pour le préciser) qui était visiblement embêté de laisser le public poireauter dehors alors qu’il commençait à pleuvoir.
Finalement, on nous laisse accéder à la salle proprement dite et l’on attendra encore un peu, histoire d’écouter des bruitages électroniques en attendant que le premier groupe ne prenne place sur scène.
Rentrons donc dans le vif du sujet, avec le Dick Slessig Combo, classique trio guitare/basse/batterie, qui expliqueront leur présence ici en temps qu’amis de Matmos. On verra un peu plus loin que ce n’est qu’une partie de la raison.
Nos amis chroniqueurs expatriés en Italie nous parlaient ici même il y a quelques jours de cette même affiche à Florence, et ils eurent visiblement un peu plus de chance que nous puisque nous n’avons eu droit qu’à la fin de leur set italien, le moins inspiré donc. On pense à de la pop instrumentale tout en remarquant quelques intonations typiquement américaines venues de la folk ou du blues, et parfois quelques très timides montées façon post-rock. Quelques passages calmes ultra répétitifs, et le public qui applaudi un peu n’importe quand, comme après un solo même s’il n’y aura pas de véritable solo.
Musique sans grand intérêt donc, mais de toute façon le spectacle n’était pas sur la scène. Sur les marches qui permettent d’accéder à celle-ci, une nana, visiblement pas à jeun, la tête dans l’enceinte, s’est mise à gueuler, tout d’abord des cris qui laissaient supposer qu’elle trouvait la musique géniale (ou cool...), dérivant ensuite vers une prise à partie du public, cherchant à nous faire réagir, en dansant, ou en manifestant d’une manière quelconque que l’on appréciait la musique (imaginez un truc du style "Bouge ton corps !!"), pour finir par une philosophie new-age à deux balles façon "La musique est belle, profite de la vie, ne faites pas semblant, le monde est déjà factice" je vous en passe et des meilleures. Cela à amusé un petit moment, puis commencé à énerver jusqu’à ce que des "Ta gueule" fusent aux quatre coins de la salle. Un spectateur se plaindra même auprès de notre commercial Tonigencyl qui lui a signifié qu’il ne pouvait rien faire. Même s’il n’est pas forcément aisé de dire à un spectateur qui a payé sa place de contenir un peu sa bonne humeur (factice), il nous semble qu’il y a certaines limites à ne pas dépasser, et un minimum de respect envers les autres spectateurs qui ont également payé leur place (de mémoire, notre plus cher concert au Batofar), et surtout envers les musiciens visiblement gênés.
Au bout d’un moment on se dit qu’il faut bien que jeunesse se passe, mais visiblement dans le cas présent le problème n’était pas la jeunesse, mais la connerie, et là...
Décidés à ne pas subir le même cinéma pendant le concert de Matmos, on se réfugie dans un coin à l’autre bout de la salle où nous seront à peu près au calme. Outre Drew Daniel et MC Schmidt, les deux membres de Matmos, le concert débute avec le batteur et le guitariste du Dick Slessig Combo qui assurait la première partie. Ils enchaîneront ensemble deux morceaux qui nous laisseront perplexe, entre expérimentations en tout genre pour commencer, et terrible efficacité qui nous paraîtra un peu facile. En fait on sera un peu gêné de voir le batteur jouer une rythmique banale, Drew Daniel derrière son laptop faire une musique formatée, tandis que MC Schmidt, la tête dans un bocal, produit des "glouglou" avec une paille. Le mélange est effectivement bien du Matmos, mais visuellement on aura l’impression de voir le groupe partagé entre son image d’expérimentateurs fous et faiseur de tubes.
Par contre cette impression s’envolera un peu plus tard quand les musiciens du Dick Slessig Combo abandonneront la scène. Ils nous proposèrent alors un véritable travail sur le son, riche, complexe mais pas abscons, fracturé, et suscitant l’admiration quand ils finissaient un morceau hoquetant, et que de ce hachage prenait forme la rythmique du morceau suivant.
Après un petit interlude anti-Bush devenu classique de la part de musiciens américains qui se produisent chez nous depuis un peu plus d’un an, on abordait une suite certes réussie, mais un peu plus convenue, du moins dans la lignée de que l’on pouvait attendre de Matmos : musique traditionnelle ou militaire qui débute de façon très classique, et qui part très vite en vrille. On regrettera juste que le guitariste en fasse un peu trop.
Après 55mn de concert, il est 0h30 et l’heure du dernier métro est proche. Reste, reste pas ? Finalement le public en redemandant, Matmos revient pour un rappel d’une petite dizaine de minutes nous laissant au final une impression très positive.
On abandonnera alors le Bato que l’on laissait aux mains de The Soft Pink Truth, projet solo de Drew Daniel, sur lequel les personnes d’humeur joyeuse pourraient se lâcher.
le 02/06/2004