Goodiepal / Lucky Dragons + Y.A.C.H.T + Bobby Birdman / Jab Mica Och El

L’association In Famous, née des cendres de Made in Boat (responsable notamment des soirées mensuelles Infamous Labels et des festivals axés sur la scène artistique d’un pays), tente de reprendre une activité régulière avec ici la deuxième soirée à prendre place à la Ménagerie de Verre. En tête d’affiche, Goodiepal, connu notamment pour ses sorties chez Sk-ipp (label des Dat Politics), accompagné ici d’un quatuor danois, et Lucky Dragons, un américain également accompagné de quelques amis pour une performance en dehors des sentiers battus.

Ce ne fut pas vraiment une soirée comme les autres. Avant les concerts on pouvait aller voir deux projections de Maïder Fortuné, investissant tous les espaces de la Ménagerie de Verre. Totem d’abord, gros plan sur un visage semblant rebondir de bas en haut, petit à petit ralenti, l’image se figeant, créant ainsi de nouvelles images étonnantes. Surprise encore avec Everything is Going to Be Alright, où là c’est un corps entier qui rebondit sur plusieurs parois d’un cube. Le son évoque un tremplin mais celui-ci est invisible, et les rebonds de ce corps semble défier les lois de la gravité...

On passe ensuite aux concerts, mais ceux-ci prendront une forme originale, enchaînant les morceaux, mélangeant les artistes, avec une bonne dose d’improvisation apportant à cette soirée un petit côté "colonie de vacances au coin du feu". Une impression dont Goodiepal est certainement grandement responsable, jouant ici le rôle de gentil organisateur, voir même de troubadour. On ne sait pas trop si le concert a effectivement commencé, mais le danois commence à siffler dans son micro, un sifflement doux et ample qui se diffusait à merveille dans cette salle, comme si l’on était dans une église. Et puis il se présente, annonce comment va se passer la soirée. C’est lui qui devait commencer à jouer, et présente son premier morceau comme "10 minutes de musique new-age", amusant tout le public. Cette musique consistait en une boite à musique qu’il réactivait régulièrement, créant de doux tintements métalliques, un bruit de mer, et ses sifflements. Très joli, ambient, new-age si l’on veut...
Petite pause ensuite en nous expliquant qu’il a passé ces dernières années à étudier les automates et la mécanique, produisant ainsi de petites machines musicales. Ce soir il nous apportait des oiseaux chantants mécaniques qu’il nous invitait à venir voir piailler de plus près. Pour finir, il prend son luth et nous joue une petite ballade de troubadour tout en poursuivant ses sifflements new-age. C’était frais, amusant, à la simplicité touchante.

Enchaînement direct avec ce que l’on pensait être les Lucky Dragons. Ce trio américain n’a en fait pas de nom particulier, mais les trois artistes présents ont chacun leur projet solo. Lucky Dragons est le projet de Luke Fischbeck, qui était accompagné de Y.A.C.H.T (Jona Bechtolt) et Bobby Birdman (Rob Kieswetter), mais le concert d’une petite demi-heure enchaîna les travaux de chacun sans que l’on s’en rende compte.
Tout commence avec Goodiepal qui assure la transition. Les quatre artistes forment une farandole, certain se mettent des câbles dans la bouche, comme s’ils étaient reliés à leur laptop, et ils se tiennent par la main. A ce moment, quelques bruits sortent de leurs machines, bruits électroniques, bribes mélodiques et collage de samples, le tout complètement enchevêtré. Quand l’un d’eux rompt le cercle, la musique s’arrête. Ils s’amuseront ainsi quelques minutes et commenceront par nous intriguer. Après ça, Bobby Birdman s’allongera et fera un petit somme sur scène, laissant Lucky Dragons et Y.A.C.H.T faire leur set. Le premier reste très abstrait, sans rythmique, que l’on pourrait décrire comme des collages de bruits mélodiques, ceux-ci étant produit par le laptop (pas de samples). Y.A.C.H.T ensuite ne joue que des tubes, musique sautillante, pleine de vie, amusante et exigeante. C’est à ce moment que le spectacle prit toute son ampleur, Jona et Luke semblant être pris de convulsions et mimant la musique jouée par les ordinateurs. Il n’y a sûrement pas grand chose de joué en direct, mais ils font le spectacle, manipulent leur laptop comme un rockeur s’amuse avec son pied de micro, à mille lieues du classique concert de laptop. Le spectacle dura une petite dizaine de minutes, et puis une voix s’élève doucement. C’est Bobby Birdman qui commence à chanter en se réveillant. Il se lève et vient chanter 2-3 chansons à couper le souffle. Une voix magnifique, habitée, pleine de variations. Il chante presque a cappella, posant uniquement sa voix sur une nappe de laptop produite par Y.A.C.H.T.
Magnifique conclusion pour un set de toute beauté et trois artistes vraiment complémentaires.

Après une pause, reprise avec Goodiepal qui, s’impatientant un peu de voir le public ne pas revenir, quitte la salle en direction du bar, son luth à la main, sonnant le rappel des troupes. Il présentera alors une application musicale réalisée en Flash (utilisée pour créer des sites web avec animation et sons), prenant la forme d’un arbre : des branches apparaissent, des fleurs, on clique à divers endroits créant ainsi une musique. Le danois invite donc une nouvelle fois le public à se déplacer et venir tester cet arbre sonore.
Pour terminer, le quatuor danois Jab Mica Och El, qui vaudra surtout pour l’originalité de sa formation, avec deux laptop et des instruments plus classiques, à mi-chemin entre la salle de classe (flûte) et la fanfare (cuivres). On y retrouve un peu l’esprit de Goodiepal, entre humour et folklore. Quelques beaux moments en début de concert avec le laptop qui produit quelques bleeps ludiques rapidement suivis par la fanfare qui semble partir en vrille, mais au bout d’un moment on aura tendance à les trouver un peu trop appliqués. Ils seront rejoint un moment par Goodiepal, qui se fera notamment remarquer en jouant de deux flûtes en même temps.

Globalement une excellente soirée, avec des artistes authentiques faisant preuve d’une joie communicative. De quoi sortir de là le sourire aux lèvres.

Fabrice ALLARD
le 04/07/2004