Festival Panoptica 2004 : Isan / Lusine / Tomcats in Tokyo / Funckarma / Modeselektor

 date du concert

06/11/2004

 salle

Salle des Fêtes de Bressoux-Droixhe,
Liège

 tags

Cylob / Festival Panoptica 2004 / Funckarma / Isan / Lusine ICL / Modeselektor / Quench / Salle des Fêtes de Bressoux-Droixhe / Tomcats in Tokyo

 liens

Isan
Festival Panoptica 2004
Modeselektor
Funckarma
Lusine ICL

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La troisième édition de ce festival, incontournable pour tout aficionado d’electronica qui se respecte, aura pleinement tenu ses promesses. Il devenait évident qu’il n’était plus possible de poursuivre l’aventure à la Maison de la Métallurgie, lieu sympathique et évocateur mais trop exigu et offrant un son insatisfaisant. Panoptica a donc déménagé vers un endroit a priori improbable, la salle des fêtes d’un quartier périphérique de Liège dont la réputation n’est pas franchement positive. Or, cette salle s’est avérée absolument parfaite et constitue donc un choix très judicieux. L’espace est tout à fait adéquat, les écrans peuvent s’y déployer de manière bien plus avantageuse et - surtout - le son était absolument impeccable, d’une grande pureté, sans les excès de basses trop souvent déplorés. Les petits bémols émis l’an dernier à propos du public ne sont plus de mise (l’agrandissement de l’espace disponible y est pour quelque chose, sans doute) et l’on s’en réjouira.

C’est parti donc pour plus de six heures d’électronica sous diverses formes et de visuels bien en phase avec les sons délivrés. Nous arrivons vers le milieu du set de Y.E.R.M.O. vs Paul Alias, loupant celui de Jumbo Jet dont l’on nous dira du bien. Ce que nous entendons ne nous déplaît pas outre mesure mais ne nous accroche pas trop non plus : une structure unique faite d’une plaque sonore industrialisante avec souffles assénés assez pesamment. Qu’importe, ce n’est qu’un hors-d’oeuvre sans beaucoup d’importance.
Les choses sérieuses commencent avec Isan, que nous attendions impatiemment, bien qu’étant prévenus que leurs prestations présentent somme toute peu de surprises. Ce fut le cas, le duo (qui dégage visiblement un tempérament sympathique) se contentant de reproduire fidèlement leurs morceaux, issus pour l’essentiel du dernier opus Meet Next Life, les variations et ajouts étant trop peu perceptibles pour retenir l’attention. On est donc plongés dans l’ambiance onirique et cotonneuse des comptines electronica bucoliques qui font la marque de fabrique des anglais, le tout complété des visuels champêtres, maritimes et enfantins très agréables concoctés par Ewo (du collectif Plexiphonic) qui les a travaillés en étroite collaboration avec les musiciens. Tout ça est extrêmement joli mais un brin lassant vers la fin.

Il faut dire aussi que nous étions très désireux de voir débuter Tomcats in Tokyo, ayant véritablement été envoûté par leur album Sweet Gloomy Home (et sachant ne pas être le seul). Ce n’était que la cinquième prestation live des grenoblois. Ils seront, avec Funckarma, les seuls à officier exclusivement aux laptops. L’un des deux revêtait une sorte de robe de scène et était pieds nus, chose assez originale. Mis à part les deux derniers morceaux qui sont nouveaux, le set était dominé par les pièces de l’album en question, présentées d’une manière moins étroitement fidèle que Isan. Le rythme se fait notamment plus présent, la danse prend le pas sur la rêverie, les structures s’allongent dans un tourbillon de sons. Il s’agit d’electronica de facture classique et enjouée, très mélodique (on pensera notamment à Fizzarum) et évoquant assez nettement Autechre. A deux reprises, nous croyons que l’on se dirige vers le début du somptueux Clipper sur l’album Tri Repetae. On saura par la suite, au gré d’une petite conversation avec l’un des deux compères, l’importance d’Autechre dans leur panthéon musical - on s’en serait doutés. A notre sens, trois morceaux se détachent nettement, dont le fantastique Insurrection Coléoptère. En dépit d’un peu de "remplissage", notamment dans les transitions entre les morceaux, le duo a reproduit sur scène le travail sonore efficace et enthousiasmant proposé par leur disque. Ce fut le set au cours duquel on dansa avec le plus de spontanéité en contemplant les visuels animés, un rien sombres, mais décalés et souvent amusants de Rafaël et Milk Pack.

Le public se réveille pour le set de Lusine qui nous surprit quelque peu, car se démarquant des disques que nous connaissons. Nous apprendrons ensuite qu’en effet, le dernier opus de l’américain, sorti sur Ghostly International, présente une nette évolution par rapport à ses travaux antérieurs chez U-Cover ou Hymen. Jeff McIlwain, au look sage d’éternel étudiant à lunettes, fatigué par 22 heures de vol depuis Seattle, offrit une sorte d’électro hypnotique à tendance Detroit, évoquant aussi, pour reprendre une parenté suggérée, Thomas Brinkmann et toute une clique minimaliste allemande que nous affectionnons. Ses rouleaux lancinants, avec rythmique soutenue et continue mais dépourvue de toute ostentation agressive, et les motifs house parsemés en relief, se sont avérés fort plaisants et indiscutablement efficaces pour qui consent à s’y laisser prendre. Les visuels évoluent ici vers l’abstraction digitalisée. La variété était au rendez-vous de ce point de vue tout au long de la nuit.

Arrive ensuite ce qui nous fut présenté comme la sensation du programme, et la seule découverte totale pour nous, les berlinois de Modeselektor. Nous étions assez dubitatifs a priori et, somme toute, nous le restons à l’arrivée. Il s’agit d’un collectif plus nombreux, dont on apprendra qu’ils sont, comment dire, assez épicuriens. D’emblée, une rythmique trop systématique et pesante nous ennuie un peu. On découvrira pourtant, en contrepoint, de nombreuses idées très intéressantes et une belle galerie de motifs mélodiques ciselés avec sensibilité. Cela nous conduit à penser qu’une version dépouillée des clichés dancefloor nous plairait sans doute davantage. Reconnaissons cependant aux allemands le mérite d’une grande variété d’inspiration, car au cours de leur long set, bien des styles furent brassés : electronica, house minimaliste, électro-pop proche des productions Suction sur la fin, très convaincante, avant une dernière envolée acid martelante. Aux dires d’un spécialiste, un digne représentant du son B-Pitch. Le mariage musique-visuels prenait ici tout son sens, ceux-ci émanant de leurs comparses Die Pfadfinderei et consistant pour l’essentiel en images télévisées répétées d’avant en arrière et calées au millipoil sur les sons.

Dernière étape de la nuit, non des moindres, le set de Funckarma vs Cane, soit deux des alias des frères Funcken (auxquels l’on peut notamment ajouter Quench et Shadow Huntaz). Les problèmes techniques ayant heureusement pu être réglés, on put pleinement profiter d’un concert magistral, sans doute le clou de la soirée. Les structures touffues du duo sont difficiles à décrire, mais résumons-les en soulignant le côté très électro de la chose avec des rythmes prononcés mais très travaillés et diversifiés, et surtout des nappes extrêmement convaincantes par-dessus. La juxtaposition des souffles atmosphériques parfois glaçants et des beats électro emporte incontestablement la conviction, même d’un auditeur fatigué dans une salle qui peu à peu se désemplit. Les visuels de Michel De Klein, qui n’est pas un débutant, étaient remarquables : formes géométriques digitalisées qui tournoient, véritable ode à la 3D colorée. Bien qu’un léger affaiblissement du propos se soit fait sentir en cours de set, le nombre d’idées à la minute diminuant un peu, on fut absolument ravis de la prestation des néerlandais.

Fatigue et heure déraisonnable nous conduisent à quitter l’arène après le premier morceau du vétéran Cylob, acclamé à son arrivée par des spectateurs enthousiastes, non sans tirer un coup de chapeau aux organisateurs de l’événement. Sachant la difficulté de l’entreprise, on peut se réjouir de l’enthousiasme et de l’énergie qui les ont conduits à la mener à bon port pour la troisième fois, en un lieu tout à fait approprié. Espérons que le succès fut suffisant pour pouvoir envisager avec sérénité la pérennité d’une entreprise ô combien salutaire.

Gilles Genicot
le 08/11/2004

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