Masayoshi Urabe + Rinji Fukuoka

 date du concert

20/10/2004

 salle

Cave 12,
Genève

 tags

Cave 12 / Masayoshi Urabe / Rinji Fukuoka

 liens

Cave 12

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La Cave 12 accueille deux artistes japonais qui arpentent des territoires aux marges de l’improvisation et du rock. Le premier, Masayoshi Urabe, a déjà acquis une solide réputation pour ses concerts performances (on se souvient pour notre part de concerts à donner la chair de poule au Bimbo Lounge et aux Instants Chavirés). C’est par contre l’occasion de découvrir Rinji Fukuoka, guitariste dans de nombreuses formations rock tout aussi obscures les unes que les autres.

Cela commence comme un concert d’Urabe : seul, il arpente la scène, cherchant à atteindre l’état où il se sent à même de souffler dans son saxophone alto. Ce petit manège a en général le mérite de produire le silence, les spectateurs étant trop interloqués pour bavarder. Ce soir cela dure peu et bientôt s’élèvent les plaintes lugubres qu’il tire de son instrument. Urabe est souvent comparé à Kaoru Abe (sûrement sur la seule base de japonais+alto). Mais alors que ce dernier venait clairement après quelque chose (du post-Ayler ?), Urabe a un jeu dénué de toute musicalité : son saxophone ne sort que des cris empreints de violence et de souffrance.

Fukuoka annonce son arrivée par un grésillement d’ampli. Et on découvre vite que son jeu de guitare est à l’unisson de son partenaire. Ses accords ont des accents à la Haino, les notes pleines de réverb tissent des ambiances noires. En fait sa panoplie de styles ne s’arrête pas là : le deuxième morceau recèle des notes lumineuses. Et puis il vient plaquer sa voix sur ces accords fragiles, d’abord indistinctement, puis chantant avec plus d’assurance, donnant l’impression d’être habité. Avant de jouer, il n’avait rien de notable, il est plutôt beau gosse, les cheveux longs dans une vague tentative de ressembler à Keiji Haino, mais sans le profil hautain de son aîné (au bar, il propose de payer sa bière, ce qu’on lui refuse car même dans un endroit low-life comme celui-ci, on peut encore l’offrir à l’artiste du soir), une sorte de monsieur-tout-le-monde quoi. En trente minutes de scène, on aura vu sa mue : il a maintenant des reflets de rock star, chante avec tout son coeur comme si ses paroles devaient être dites sans plus tarder. L’auditoire ne peut qu’entrer en communion avec ce rock héroïque qui semble ne jamais atteindre son paroxysme, on a à nouveau des frissons. Ce soir, c’est un peu comme si le chanteur de Ghost était venu poser sa voix sur la musique des Rallizes Dénudés.

Dans une deuxième partie, Urabe triture un harmonica comme il joue du saxophone, c’est à dire qu’il bouleverse notre conception de l’instrument. Fukuoka se lance dans une ballade dont les intonations sembleraient porteuses d’espoir si elles n’étaient pas contredites par les sanglots de l’harmonica. Ils changeront encore plusieurs fois de configuration, Fukuoka passant à la batterie, Urabe reprenant son alto, avant de conclure par ce lent style psychédélique qui nous avait déjà secoué auparavant.

Bertrand Le Saux, Soizig Le Calvez
le 02/12/2004