12/02/2005
Les Voûtes,
Paris
Après un mois de janvier plutôt calme au niveau des concerts, nous voici aux Voûtes pour une soirée "Harsh Sound Poetry". Une expression peut-être un peu pompeuse, effrayante, pour présentez trois concerts mêlant performance vocale & noise. En tête d’affiche, l’artiste norvégienne Maja Ratkje que l’on retrouve chez Rune Grammofon, et qui était peut-être responsable de la file d’attente à l’entrée de la salle. C’était aussi pour nous l’occasion de revoir Joachim Montessuis que l’on découvrait dans cette même salle un an plus tôt, et de découvrir Ruderal Project en première partie.
Ruderal Project donc est un duo formé par Eric Cordier et Satoko Fujimoto. Contrairement à ce que l’on pensais à la lecture de l’affiche, et en sachant que cette soirée se passait aux Voûtes, Satoko Fujimoto n’est pas une danseuse de buto, par contre la performance d’Eric Cordier s’en rapprochait. Elle, à la table de mixage, lui, devant la scène, commence par se déshabiller et passe deux micros sur son corps, provoquant des sonorités/bruits variés en fonction de l’endroit où se promènent ses micros entre doux souffle de sa respiration, et sonorités plus abruptes en passant sur sa barbe naissante. Mais cela ne dure guère, il se contorsionne, se roule par terre et vient prendre dans sa bouche deux petits micros qu’il ne quittera plus pendant tout le reste du concert. Il produit toute sorte de bruits qui viennent se mêler à une bande son électronique, Satoko fait parfois quelques ajustement, c’est globalement assez violent, ses bruits nous font penser à des bruits de monstres plus convainquants que n’importe quel film d’horreur. Il faut dire que visuellement cette prestation était assez impressionnante, Eric Cordier semblant être dans un état second, voire même habité par un monstre, un esprit maléfique, nous faisant penser au film Ring lorsqu’il avait ses longs cheveux devant le visage.
Une performance d’une grosse vingtaine de minutes qui ne laissa personne indifférent, et surtout pas les personnes des premiers rangs qui évitaient soigneusement de rentrer dans le jeu de l’artiste.
Joachim Montessuis nous avait séduit il y a un an dans le cadre du festival Capitales Sonores pour un live au laptop construit sur l’enregistrement d’une boite noire d’un avion s’étant crashé. Ce soir c’était forcément différent puisque basé sur sa voix. Une intro plutôt torturée, grosse respiration sourde faisant encore penser à un monstre d’un taille phénoménale, grognements, rugissements, alternant avec des passages plus calmes, ambient, liés à sa respiration et aux doux murmures en boucle. Le tout est traité en direct par un laptop et des effets, des sonorités deviennent des boucles, des drones, des rythmiques semblent se former, cela devient presque tribal quand il produit des hurlements, des ululements, une texture frétillante s’installe, la tension monte, la texture saturée devient crissements bruitistes et dans un dernier élan fougueux on obtiendra une sorte de tech-noise effrayante d’efficacité qu’il viendra bien vite calmer pour finir par une nappe ambient ondulante. Concert surprenant, trippant, d’une parfaite maîtrise. Pour la deuxième fois, Joachim Montessuis nous a convaincu et on espère qu’il y en aura d’autres.
On ne connaissait pas Maja Ratkje avant de la voir en concert mis à part un titre ou deux de son projet Fe-Mail, et le fait qu’elle avait sorti des albums chez Rune Grammofon, en solo ou en tant que membre de Spunk.
Elle commence seule sur le devant de la scène, équipée d’un simple micro. A une vitesse impressionnante elle aligne borborygmes, cris, murmures, douces vocalises, phrases poétiques, imite une petite voix d’enfant, une femme autoritaire ou un homme menaçant, donne l’impression de s’exprimer dans toutes les langues à la fois reprenant les tics de dessins animés, que ce soit du Walt Disney ou un manga japonais. Au final elle donne l’impression d’avoir créer un langage universel, impression et poésie renforcée par sa gestuelle particulièrement imagée, accompagnant tous ses délires vocaux.
Dans un deuxième temps elle prend place derrière ses machines, sampler, effets, MD, produisant le même genre d’expérimentation, mais à base d’instruments électronique. Une musique qui part dans tous les sens, et dans laquelle la voix n’est plus qu’un élément parmi d’autres. Et puis à mi-parcours, elle met des micros dans sa bouche pour un long final complètement bruitiste, rugissements saturés, souffles, crissements numériques, et papier aluminium qu’elle agite en donnant de grands coups sur une grosse marmite métallique.
Par chance, elle reviendra pour un rappel nous donnant à entendre une troisième facette de son travail. Elle nous fait d’abord penser à Aki Onda en manipulant son dictaphone, chante timidement sur quelques souffles et cris de loups. Ambiance inquiétante, paysage hanté, et le chant prend petit à petit de l’assurance, évoquant l’opéra et venant se frotter aux hurlements des loups et s’élevant dans se superbes vocalises déchirantes. Magnifique conclusion.
le 13/02/2005