16/02/2005
Stuk,
Louvain
Deuxième déplacement au Stuk dans le cadre du festival Artefact puisque l’occasion nous était enfin donnée d’assister à une performance du déjà vétéran japonais Ryoji Ikeda. Le maître du noise minimal présente ses travaux de manière variable, et ce soir il s’agissait vraiment d’une performance multimédia et non d’un concert au sens classique du terme (il y avait en fait deux présentations identiques de 45 minutes à deux heures d’intervalle). Dans la salle assise du complexe louvaniste, où l’on put donc jouir d’un confort appréciable, on a en effet constaté que Ryoji Ikeda est autant musicien que vidéaste, avec un égal bonheur, et que s’y ajoute une réflexion d’ordre philosophique et sociologique bien éloignée des poncifs souvent rebattus.
La pièce présentée s’intitule C4I (see for eye) mais l’est dans une version apparemment renouvelée par rapport à la prestation d’octobre dernier à Beaubourg, chroniquée dans ces pages.
Sur scène, rien d’autre qu’un large écran. Ikeda se tient en haut de la salle derrière sa machine. Il n’y a guère de travail de restitution ici, c’est dans la confection de l’oeuvre que tout tient. C’est à une symbiose remarquable entre son et image que nous sommes convié à assister. Une sorte de spectacle total qui évoque une certaine peinture abstraite contemporaine, jouant sur les pleins et les déliés, les lignes épurées et les foisonnements denses. De placards noise en sons purs, de nappes contemplatives en claquements acérés, la musique d’Ikeda fait corps avec une des plus percutantes présentations visuelles qu’il nous aura été donné de voir. Un travail extrêmement soigné sur les formes, les couleurs, le rythme pictural, alternant paysages apaisants et tourbillonnements 3D, messages socio-politiques et allusions existentialistes témoignant de l’étendue de la culture et de la recherche du Japonais.
Ce spectacle total, malheureusement un peu court, a visiblement enthousiasmé le nombreux public présent (on peut supposer que le dédoublement de la présentation trouve sa cause dans l’engouement suscité par celle-ci). Il pourrait certainement donner lieu à des analyses érudites d’ordre esthétique, musical mais aussi sociologique. Ikeda ne verse en effet pas dans une abstraction désincarnée, il relie de façon très pertinente sa palette sonore et son travail de vidéaste à des préoccupations humanistes dépourvues de tout opportunisme. L’ensemble est non seulement extrêmement pertinent sur le plan artistique pur, d’une dimension assez captivante, mais offre le précieux avantage de s’adresser à l’intelligence du spectateur qui se voit autant questionnée que ses émotions esthétiques. Une brillante réussite.
le 17/02/2005