19/04/2005
Petrol,
Anvers
Une foule dense se presse au Petrol, composée tant d’amateurs éclairés (on reconnaîtra Arne Van Peteghem, aka Styrofoam, dans la file à l’entrée) que de clubbers enthousiastes, pour cette prestation belge du toujours plus populaire duo anglais. Une popularité croissante qui semble inversement proportionnelle à l’orientation musicale nettement abstraite empruntée par Sean Booth et Rob Brown depuis, disons, LP5 et qui ne laisse pas de nous surprendre, même si force est de reconnaître que leurs travaux actuels comportent suffisamment d’éléments familiers pour plaire à un grand nombre.
On passe rapidement sur la prestation bien étrange et peu convaincante de Rob Hall, qui passera d’une électro old skool un peu bourrine mais sympathique à une sorte de house grasse sans aucun intérêt. Le troisième larron de Gescom ne nous a en tout cas nullement convié à un voyage dans des contrées un tant soit peu autechriennes.
SND nous aura, pour tout dire, également déçu. Le duo allemand n’a pas reproduit sur scène, si l’on excepte quelques passages, la finesse chaleureuse et subtile que l’on trouve sur ses albums Stdio et Tender Love parus chez Mille Plateaux. Subissant quelques problèmes techniques, à en juger par leurs mimiques contrariées, ils ont proposé un set construit autour de rythmiques disparates et assez déconstruites, lorgnant presque vers une certaine forme de drum’n’bass minimale par moments. Evoquant dans ses meilleurs moments LFO, utilisant plusieurs sons intéressants mais peinant à les agencer d’une manière percutante et à élever le propos, ils nous ont laissé quelque peu sur notre faim.
Cela n’est pas bien grave car nous allions être pleinement rassasiés par l’excellent set d’Autechre qui suivit. Nous eûmes droit à 1h20 d’un set décomposé en une dizaine de pièces, dans le noir quasi complet comme d’habitude avec Autechre, qui laissa visiblement conquis un public hétéroclite. Le duo est brillamment parvenu à effacer la relative déception ressentie par beaucoup lors de leur set bruxellois d’avril 2001. Il a également transcendé les morceaux du dernier opus Untilted, greffant comme à l’accoutumée sur un canevas identifiable nombre d’éléments issus d’autres pièces ou, probablement, concoctés pour l’occasion.
D’une manière générale, il est certain que les temps glorieux des exceptionnelles structures mélancoliques des trois premiers albums ont désormais laissé place à une recherche tout aussi soignée mais centrée autour des rythmes. Le duo a clairement évolué, mais son talent ne se délite pas, il se renouvelle. Sean et Rob sont toujours, incontestablement, orfèvres en matière de confection de sons d’une profondeur et d’une pertinence inouïes, superposant progressivement les couches, alternant froissages et grincements avec déflagrations ou amples tapis. Les morceaux ne s’enlisent jamais, évoluant subtilement, d’une manière très souvent inattendue, passant de notes claires et apaisées à un concassage sournois et métallique.
En bref, ce fut une prestation extrêmement forte, dense et convaincante du duo anglais qui, 12 ans et près de 20 disques après ses débuts, reste une référence ultime. Pour tout dire, nous entrions avec un brin d’appréhension mais sommes reparti, à une heure déraisonnablement tardive, plus que rassuré.
le 23/04/2005