06/05/2005
Espace Jemmapes,
Paris
C’est dans un décor surprenant, à l’esthétique très municipale, entre l’école primaire et les bureaux de la CAF, qu’a lieu la soirée "Rotonde de Choc". Sous le triptyque "musique / rencontres / improvisations", s’inscrivent deux sets, l’un alliant la chanteuse lyrique Evelyne Saunier, et Fred Nogray au laptop, l’autre les saxophonistes Christine Sehnaoui et Stéphane Rives, et encore Fred. Un mélange, donc, entre une voix féminine, deux improvisateurs au saxo et un expérimentateur aux machines.
Peu de monde devant l’espace Jemmapes, et encore moins à l’intérieur. On se perd dans les dédales de couloirs jaunasses et d’escaliers bleus foncés, avec l’impression d’aller refaire son passeport. La salle est étroite, mal insonorisée, l’éclairage désagréable. Peu importe, c’est pour entendre Fred Nogray et ses larsens, son univers compact et incisif qu’on est venue : Ameushi, (La belle de mai) radical, grognant, sombre, difficile. Panotii (n-rec), organique, intérieur, terrestre, poétique. Et Stéphane Rives, aussi, aperçu aux Instants Chavirés, aux Catacombes et aux Voûtes, dont le travail s’appuie sur la mise en jeu concrète de son saxophone.
Faible tentative de poésie sonore, le premier set est décevant. D’une part par Evelyne Saunier, qui ne se frottera malheureusement pas aux limites de ses possibilités vocales, engoncée dans ses codes et ses habitudes de chant. Hoquets, chuchotements, inarticulations, onomatopées, rots, respirations, gémissements, et même parfois carrément chant, trop attendus, ennuient par leur conformisme. Un peu d’humour complice dans le regard, dans la manière de se mouvoir en ondulations latérales pour obtenir des effets vocaux, oui, peut-être. Du côté des machines, un Nogray aux pieds nus trop discret, trop effacé, réinjecte les sons de Saunier en effets sonores un peu répétitifs, entre résonances et grésillements, claquements et boucles, sans vraiment de rupture. Le duo est très inégal : on aurait souhaité qu’il prenne le dessus sur la voix, et qu’il envahisse plus l’espace.
On sort un peu ennuyée, impatiente.
La salle se remplit, et on plonge dans un univers musical au profil bien plus conforme à nos attentes. Dans le noir, cette fois, c’est Sehnaoui qui lance le jeu par un long souffle mouillé dans le bec de son instrument. Peu à peu, les compères s’harmonisent, se calent, et nous entraînent dans un parcours vallonné, tout en contraste, aride parfois, ou aquatique souvent. Les instrumentistes, qui d’abord ont une approche concrète et bruitiste, toute en micro événements sonores, parfois pertinente, parfois longue, nous engouffrent au bout d’une demi heure dans une nappe granuleuse de notes aiguës, stables, prenantes. Le laptoper récupère les sons et les retravaille, nettement amplifiés, tantôt en faibles boucles minimalistes aux sonorités brisées, tantôt en créant une atmosphère humide, épaisse. On est pris dans un magma sonore homogène assez captivant, sans rien distinguer.
Cette deuxième partie, un peu trop courte, laisse un bon goût dans l’oreille, et rattrape le premier set, définitivement faible.
le 07/05/2005