Soirée Intr_version : Mitchell Akiyama / aMute / Arden

A force de voir des concerts, de revoir des artistes tous les trois mois, on finit par saturer, ne plus apprécier, trouver que tout se vaut. Ainsi un jour on décide de ne pas aller voir Fennesz alors qu’on allait le voir tous les 15 jours s’il passait sur Paris à une telle fréquence. Et on se rend compte qu’on s’en passe très bien (surtout suite à son concert à la Maison de la Radio en début d’année). On ne fait d’entorse à cette règle que pour les artistes que l’on n’a pas vu depuis longtemps et qui continuent à nous enthousiasmer (Apparat il y a quelques semaines), ou ceux qui ont encore quelque chose à proposer comme c’est le cas ce soir. Mitchell Akiyama reprend les choses là ou Fennesz les a abandonné, et aMute, son jeune disciple belge que l’on découvrait l’an dernier au Rhaaa Lovely Festival assure la relève avec brio.

Nous voici donc aux Voûtes pour cette soirée Intr_version, le label du canadien Mitchell Akiyama. C’est d’ailleurs lui qui ouvre la soirée, et il a même déjà commencé quand nous entrons dans la salle, envahie d’une énorme texture saturée qui nous surprendra un peu... Il s’arrête net, enchaîne avec des notes de guitare cristallines, des textures grésillantes apparaissent et la fusion opère en une douceur aride. Une fois l’orage passé, la guitare est toujours là imperturbablement répétitive, en suspend, mais elle se verra dédoublée, superposée à d’autres mélodies un peu moins inspirées. Pour finir, l’interaction guitare-laptop prendra tout son sens en produisant quelques nappes mélodiques saturées et granuleuses.
Un joli concert d’une demie heure environ, mais on aurait aimé être un peu plus surpris, ou voir approfondies ces interactions entre guitare et machines.

On enchaîne avec aMute, le projet de Jérôme Deuson. La surprise sera par contre ici assez grande, avec pour commencer un son très dur : textures saturées en boucle comme si son laptop avait planté, puis gros riffs de guitare distordus, et dans les rares accalmies, une voix, un murmure. Plutôt qu’un long set, aMute enchaîne des morceaux bien distincts, accompagné par Stephan Fedele à la basse dans un premier temps, puis à la batterie, produisant tour à tour de petites rythmiques improvisées ou un jeu franc pour des morceaux de post-rock énergique auxquels on ne s’attendait pas. On pourra regretter que cet ensemble guitare-batterie viennent parfois écraser la finesse d’une structure électronique qui servait d’introduction, quelques facilités mélodiques, ou des samples de voix devenues passage obligés d’un morceau post-rock. D’un autre côté on appréciera une certaine énergie, la façon dont des crissements de laptop viennent ponctuer un morceau alors que plus tard le même genre de crissement sera produit par la guitare, à l’origine de cassures.
Au final, un concert assez inégal, avec de bonnes idées mais où l’on regrettera parfois un manque de finesse.

Pour finir, Arden, un projet au sein duquel on retrouve Mitchell Akiyama et aMute, auxquels se joignent Jurgen Heckel (plus connu sous le nom de Sogar) et Sébastien Roux (entre autre moitié de Heller). Ce fut certainement le meilleur moment de la soirée avec un peu moins d’une heure d’improvisation. Les deux français sont au laptop, Sogar prenant de temps en temps sa guitare, Mitchell Akiyama débute au mélodica puis enchaîne à la basse, tandis que Jérôme et Stephan ont repris les places qu’ils occupaient lors du concert précédent.
Peut-être qu’avec Arden cette formation est parvenue a produire ce que aMute ne parvenait à faire tout seul. Le nombre de musiciens à l’oeuvre permet une meilleure écoute de ce qui se passe sur scène, l’improvisation étant un travail d’écoute et de respect et jamais l’un des artistes ne viendra faire de l’ombre à un autre, ils se relaient, passant d’un calme ponctué de quelques bruitages de laptop, à une envolée menée par les guitares et la batterie, alternant ambient et post-rock.
Un excellent concert que l’on prolongera avec l’écoute de l’album, première sortie du label Stilll mené par aMute. En plus des artistes présents ce soir, on notera que Arden est également composé de Christophe Bailleau et Jeuc Dietrich.

Fabrice ALLARD
le 07/05/2005