18/06/2005
Haus der Kukturen des Welt,
Berlin
Bill Laswell / Haus der Kukturen des Welt / Painkiller / Zorn
C’est dans la belle et spacieuse salle de la Haus der Kulturen des Welt que se produise John Zorn au saxophone, Yoshida Tatsuya à la batterie, et Bill Laswell à la basse, dans le cadre du festival pluridisciplinaire InTransit05. Pendant le protocole de présentation les derniers arrivants trouvent leurs places ; la salle est presque remplie. Zorn, qu’on ne présente plus, saxophoniste génial de la scène alternative new-yorkaise, Yoshida, batteur talentueux de l’avant garde japonaise, féru de musique progressive et contemporaine, Laswell, bassiste incontournable, pionnier du dub et de la drum’n’bass, et qui a notamment collaboré avec Iggy Pop et Motorhead. Tout ça réuni, attention !
Les musiciens débarquent sur scène, très relax, habillés comme à la maison, avec un Laswell en djellaba blanche sur pantalon noir, toge indienne, chaussures vert pomme. On est tout de suite plongé dans l’ambiance, ils démarrent comme ils finiront : très énervés, tous trois époustouflants, se livrent à une improvisation furieuse et foisonnante. Les Allemands n’ont pas peur des décibels, aussi à chaque grave de sa guitare électrique, Laswell fait trembler les sièges et balancer les estomacs. C’est un véritable bordel sonore, du jazz-core magnifique, très dynamique, où chacun laisse s’exprimer son instrument, et celui des autres. Tatsuya est irasciblement acharné sur sa batterie, et possède un sens particulier du rythme et de ses brisures. John Zorn est remarquable, et s’époumone dans son sax jusqu’à en faire vibrer le son, dans une variété de résultats impressionnants, du cri puissant au gargouillement, en passant par le ronflement. Laswell caresse ou maltraite les cordes de sa guitare. Puis vient un long et admirable solo d’un saxo hurlant, pendant lequel le batteur et le guitariste sortent de scène, pour revenir avec une femme japonaise, une invité surprise dont le nom est inaudible. En place devant un micro, son instrument est sa voix, sa gorge et sa respiration : à la manière d’une Meredith Monk, elle se livre à une pléthore de sons surprenants et très délicats, parfois comme une nuée d’oiseaux battant leurs ailes, parfois par un cri déchirant de clarté. Mais, elle ne nous fera pas du Melt Banana, aussi tout au long de sa jolie intervention les musiciens tout d’un coup attrapent une cadence, une mélodie, et sont beaucoup plus calmes. Touchante, elle ne jouera jamais face à la scène, mais face au sax, à la batterie, ou à la guitare selon celui avec qui elle veut s’harmoniser. Une vingtaine de minutes sur scène, et elle repart, sous des applaudissements comblés. Et là, la scène se retrouve entre mecs, et c’est reparti pour un set monstrueusement dynamique, entre le free jazz et le heavy metal. Puis un long moment d’applaudissements, une foule en délire qui hurlera au rappel pendant un quart d’heure, avant que les musiciens se pointent à nouveau, avec elle, pour un morceau plutôt soul. A nouveau elle s’en va, et rebelote : notre trio s’énerve jusqu’à ce que Laswell fasse accidentellement tomber sa basse, Tatsuya et Zorn enchaînent de plus belle, et s’arrêtent juste au moment où le bassiste, après s’être débattu avec sa lanière, réussisse à avoir en main son instrument. Sans aucun doute, il s’agit là d’une vraie impro !
Un concert superbement énergique, à noter dans les annales. Une heure et quelques de vrai déchaînement. Toujours trop court, dans ces cas, on sort frustrée, retournée, mais béate.
le 21/06/2005