Nuits Electroniques de l’Ososphère 2005 : Killing Joke / Tarwater / Heller

Fi des Nuits Blanches parisiennes, direction Strasbourg pour les Nuits Électroniques de l’Ososphère, qui investissent la Laiterie, les anciens bâtiments du Conservatoire et tout l’espace possible entre les deux avec des installations plastiques et tout plein de concerts dans 6 salles et toute la nuit. Vendredi, la programmation est large mais le choix n’est pas difficile, on laissera donc de côté Marianne Faithfull, la Kompakt Night, DJ Vadim, Telepopmusik et d’autres.

Retour au pogo, la soirée commence avec les cultissimes Killing Joke, qui démontrent une fois de plus que 25 ans de scène ne viennent pas à bout d’une musique et d’une prestation scénique enragées. Né en 1978 à Notting Hill, les Killing Joke réunissent dans les ténèbres le chanteur haineux Jaz Coleman, Geordie Walker Youth et Paul Ferguson. Après diverses aventures (albums, querelles, réconciliations), le groupe quitte la scène post punk et se dissout en 96, pour mieux se reformer en 2003 avec un nouveau batteur, Dave Grohl, ex-Nirvana. Franges noires ras-le-front, cuirs, crêtes, gros godillots, leur public, nombreux, s’est déplacé, ambiance punk-gothique vitaminé. Après quelques minutes impatientes d’attente, des jets de fumée assombrissent la salle, les musiciens s’installent, (le chanteur) arrive enfin, un col à soutane et le visage blafardé de maquillage, les yeux cernés de noir. L’estomac solide, le pogo se forme rapidement et sans hésitation devant le show épatant de Jaz qui entre rapidement en transe, dessine une danse saccadée et convulsive tout au long du concert (un peu plus d’une heure), quelques signes de croix dessinées du doigt bien senties sur fond métal-indus-goth, la salle est abrasive, le public à fond.

Dans la même salle, un public bien moins nombreux et bien moins codifié est réuni pour assister au live de Tarwater (Robert Lippok-également membre des To Rococo Rot- et Bernd Jestram), le calme après la tempête, on peine à croire ce qui vient de s’y passer. Le duo berlinois , formé en 95, présentera une bonne partie des titres de leur dernier album The Needle Was Travelling (Morr Music) avec toujours pour motto de lier expérimental et pop, alliance plus où moins réussie, tirant plutôt son déséquilibre côté pop, tantôt doux et romantique avec un peu de chant, tantôt lourd et sombre. L’ambiance est moins tendue, plus fraîche, les deux allemands tranquilles, les clés et les pass pendus autour du cou, un timide merci en réponse aux timides applaudissements. Le public se réveille quand les musiciens quittent la scène, polis, ils reviendront pour un morceau.

Dans le froid cette fois, sur la terrasse du café de la Laiterie, Heller, soit Eddie Ladoire et Sébastien Roux, propose un set tout en contraste avec l’atmosphère générale d’Ososphères, à l’initiative de La Salle de Bain à Lyon et le label Optical Sound. Installés tous les deux avec leur équipement au centre d’une cage en verre à laquelle sont reliés une trentaine de casque (mais qu’une dizaine de personnes ), un kiosque mobile conçu par Olivier Vadrot, le concept se rapproche du Placard, privilégiant une prestation intimiste et une qualité de diffusion identique partout dans l’espace. Le set, déjà délicieux, aurait été splendide si les consignes de sécurité n’avaient pas empêché d’intervenir sur le toit du bâtiment. Le dispositif, en effet, permet un réel privilège de la situation, et de l’interaction avec l’environnement ; ici, la terrasse faisait face à l’installation interactive à grand succès de Vincent Epplay et Antoine Schmitt, un écran répondant les modulations sonores d’un micro proposé au public, donc le set électro-acoustique, qui tirait sa beauté de micro-événements sonores, s’est vu entaché des beuglements environnants.

Léa Lescure
le 03/10/2005