Borbetomagus

 date du concert

06/10/2005

 salle

Instants Chavirés,
Montreuil

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Borbetomagus / Instants Chavirés

 liens

Borbetomagus
Instants Chavirés

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Borbetomagus a commencé à faire du bruit il y a une trentaine d’années. Jim Sauter et Don Dietrich s’efforçaient de suivre les traces de l’Art Ensemble dans leur groupe de jazz, quand ils rencontrent Donald Miller dont le son de guitare leur semble une bonne réponse à l’avant-garde européénne d’Evan Parker et Peter Brötzmann. Maintenant ils ont les cheveux blancs, mais ça n’enlève rien à la violence de leur propos.

Quand le concert commence, le dispositif est simple. Sauter et Dietrich au saxophone, au son amplifié par un micro directement plongé dans le pavillon (par ici, on ne fait pas de la hi-fi) puis relié à tout un attirail de pédales d’effet. Donald Miller est attablé devant sa guitare. Après avoir lancé quelques larsens, il adoptera une posture plus "guitar-hero" en la passant en bandouillère. Mais sans accords compliqués pour prouver l’agilité de sa main gauche, non non, il s’attache plutôt à faire vibrer le larsen en caressant les cordes avec un bottle-neck (du blues, finalement ?). Et tout se rejoint. Forme un gros son qui va et vient. Où il est difficile de trouver une quelconque structure. Avec pourtant quelque chose qui accroche l’oreille. C’est justement ce qui fait tout l’intérêt de Borbetomagus : comment ont-ils réussi à trouver cette alchimie de sons qui va si bien ? il suffirait d’en changer un tant soit peu les composantes pour avoir le chaos et l’ennui, et eux sont là, à produire quelque chose d’inaudible et d’excitant en même temps.

Leur musique étant à peu près la même qu’il y a 30 ans, au bout d’un petit moment, on se dit que c’est un peu comme écouter leurs disques à la maison. Bon ils s’agitent devant nous, ce qui est toujours un plus, mais ça ressemble à ce qu’on pouvait imaginer. Là heureusement, ils vont se livrer à ces petits trucs qui font leur originalité. Il y a d’abord le ’spittoon’. Dietrich place un tuyau en plastique entre le bec et le bocal de son instrument, y met de l’eau, s’allonge sur le dos et provoque des petits gargouillis en soufflant dans l’eau du tuyau. La masse sonore du trio vire alors dans les aigus. On n’oublie pas la performance, et Dietrich finit comme la baleine, en s’aspergeant abondamment. Pour le troisième et dernier morceau, on a le droit à la position ’bells together’. Dietrich et Sauter se font face, pavillon contre pavillon. Il y a quelque chose du combat de cerfs dans ce tête-à-tête (très animalier comme concert...). Pourtant c’est plutôt de collaboration rapprochée dont il s’agit, chacun ressentant physiquement la respiration de l’autre et utilisant cette information pour faire vibrer le volume d’air emprisonné dans les deux sax.
Bref un bon concert, dont on ressort avec le sentiment que pour des papys punks, ils tiennent encore bien la route.

Bertrand Le Saux, Soizig Le Calvez
le 07/10/2005