Là

Entre danse, nouveau cirque et théâtre minimaliste, la Compagnie Baro d’Evel, franco-catalane, propose des spectacles articulés autour du couple formé par Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias, souvent agrémentés d’animaux. Tournant depuis plusieurs saisons, leur création Là s’arrêtait à nouveau à Paris, au Théâtre des Bouffes du Nord, lieu approprié pour leur proposition dépouillée et aux apparences aussi arides que l’esthétique générale du bâtiment. Avec ses trois grandes toiles blanches, son plateau tout aussi immaculé et nu, ses deux interprètes vêtus de noir et son corbeau-pie (noir et blanc, naturellement), Là joue intelligemment sur cette bichromie simple et non tapageuse.

Proposant des mouvements tenant à fois d’acrobaties (quand ils se suspendent à la toile du fond), de la danse contemporaine et de gestes de patinage artistique (tels ces portés alternés), Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias séduisent quand ils optent ainsi pour un travail chorégraphique soigné et impeccablement exécuté. Grand et mince, le Catalan peut se tordre à la manière d’une poupée de chiffon, ou bien se faire plus terrien et ancré, quand il porte sa compagne debout sur ses épaules. Des moments plus poétiques sont aussi convoqués, lorsqu’ils interagissent avec Gus, leur ami à deux pattes, ou bien se frottent sur les grandes toiles, en fait fraîchement enduites de peinture blanche qui maculent leurs tenues, laissant des traces noires derrière eux, rappelant certains gestes de peinture abstraite.

Ces séquences s’avèrent nettement plus probantes que la suite de râles poussés par Camille Decourtye, trop complaisante dans sa répétition, destinée à faire rire en figurant le coït ou l’accouchement, ou bien l’enchaînement de « c’est quoi le problème ? » assénés par la même interprète face public, passages trop frontaux. Assurément, leur sied mieux leur veine plus minimaliste, frisant parfois avec le théâtre de l’absurde (engrenage de phrases sans fin : « qu’est-ce qui… ? », « non, mais je… », « oui, au début », « c’est surtout après, que… ») ou l’épure d’un simple micro frotté contre une toile. Dans ces temps, ce sont aussi bien l’incertitude que les hésitations qui sont mises en lumière, comme autant de précipités des relations humaines, venant creuser les échanges entre homme et femme.

Autres dates :
–  25 et 26 mars 2022 : Prato - Lille
–  du 8 au 11 juin 2022 : Teatro Matadero - Madrid (Espagne)
–  du 22 juin au 2 juillet 2022 : Théâtre Garonne - Toulouse

François Bousquet
le 04/03/2022