(Rune Grammofon / Kuroneko)
29/04/2022
Jazz
À peine a-t-on fini d’écouter son album solo (Piano paru en mars de l’année dernière) que Kjetil André Mulelid est déjà de retour avec son trio originel, possiblement l’une de nos formations jazz préférées depuis quelques années. Avec What You Thought Was Home, les Norvégiens avaient réalisé un excellent disque, capable d’alterner thèmes identifiables et moments plus libres, sans pour autant laisser de côté leurs vertus. À nouveau enregistré en deux jours, Who Do You Love The Most ? retrouve cette formule (avec, notamment, la minute trente totalement improvisée de Imagine Your Front Door), pour une nouvelle réussite, confirmation de leur constance qualitative.
S’il revient évidemment au piano de prendre en charge les thèmes discernables (ceux d’Endless, Gospel et Morning Song, par exemple) comme la plupart des soli, contrebasse et batterie ne sont jamais reléguées au rang de faire-valoir, prenant toute leur place dans la structuration des morceaux et le soutien du clavier (jusqu’à ce que la contrebasse double la ligne chromatique du piano sur Remembering). Élargissant son spectre, le trio sait aussi aller chercher du côté d’un jazz presque be-bop dans lequel la contrebasse de Bjørn Marius Hegge apporte ce tempo soutenu caractéristique, pendant que Andreas Skår Winther frappe fûts et cymbales avec ses balais (The Road). À l’autre bout du spectre, le délicat Morning Song clôture l’album, un peu à la manière d’une tendre berceuse pour enfants.
La proximité calendaire avec l’album solo du leader du trio conduit à retrouver, sur ce nouveau disque, deux morceaux déjà présents sur celui de l’an passé, mais dotés d’une section rythmique, donc. Point Of View y trouve des accents moins évanescents tandis qu’à l’inverse, For You I’ll Do Anything est étiré et plus rêveur qu’à l’origine, preuves que tout est possible pour qui sait s’en remettre à ses comparses. À côté de ces deux « reprises », la formation norvégienne en livre une troisième, reprenant The Archetypal Man de Judee Sill, le chant de cette balade country-folk étant naturellement saisi par le piano, dans une montée en puissance assez prenante. Judicieusement placées côte à côte, au milieu de l’album, ces trois pièces permettent d’isoler ce qui est « ancien » de ce qui ne l’est pas, dans un même impeccable geste pour ce trio décidément captivant.
le 23/06/2022